Une crise multidimensionnelle
La pollution au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, causée par l’usage prolongé de ce pesticide pourtant interdit aux États-Unis dès 1976, constitue une crise environnementale, sanitaire et politique sans précédent dans les Outre-mer français. Utilisé massivement dans les bananeraies entre 1972 et 1993, le chlordécone a contaminé durablement les sols, les eaux et la chaîne alimentaire, entraînant une imprégnation généralisée de la population.
Un scandale d’État structuré par l’injustice
La prolongation de l’usage du produit malgré les alertes scientifiques, les dérogations accordées uniquement aux Antilles après son interdiction, et la disparition de documents clés des archives administratives ont nourri un profond sentiment de traitement inégal et d’abandon. Le non-lieu judiciaire prononcé en 2023 a scellé pour beaucoup l’incapacité de l’État à assumer ses responsabilités.
Conséquences sanitaires majeures
Les études ont confirmé un lien entre chlordécone et cancer de la prostate, reconnu comme maladie professionnelle. Des effets sont également suspectés sur la fertilité, le développement de l’enfant, le foie, et d’autres organes. Plus de 90 % des habitants sont imprégnés. La réponse de l’État, bien qu organisée via plusieurs Plans Chlordécone depuis 2008, reste largement jugée insuffisante par les populations concernées qui semblent avoir baissé les bras et ne suivent pas les conseils donnés pour minimiser sinon effacer les conséquences néfastes de l’ingestion de la molécule organochlorée
Des politiques publiques en décalage
Malgré les efforts de surveillance, d’information et de prévention, les mesures publiques sont perçues comme techniques et descendantes, sans réelle reconnaissance des préjudices subis ni participation des citoyens à la décision. La stratégie centrée sur la « gestion du risque » a fait l’impasse sur le fait que les populations réclament « justice, transparence et réparation ».
Recommandations pour restaurer la confiance
Une stratégie de rupture, articulée autour de trois piliers :
Une recherche renforcée sur la dépollution, la santé et l’agriculture durable; une gouvernance co-construite, transparente, intégrant pleinement les acteurs locaux; une réparation intégrale, symbolique, financière, écologique et sociale, incluant tous les types de victimes.
Vers un modèle “One Health”
Le chlordécone illustre la nécessité d’une approche intégrée de la santé humaine, animale et environnementale. En tirant les leçons de cette crise, les Antilles peuvent devenir un territoire pilote d’une gouvernance sanitaire résiliente et démocratique.