À l’occasion de la conférence de l’historien Pascal Blanchard en Martinique, intitulée: ” Histoire et mémoire coloniales”, organisée par l’association Tous Créoles coprésidée par Dorothée De Reynal et votre serviteur, le débat sur les héritages de la colonisation refait surface. Il ne s’agit ni d’un exercice mémoriel abstrait ni d’une querelle idéologique importée : aux Antilles et singulièrement en Martinique, la colonisation continue d’organiser le présent, de structurer des discours.
Pour Tous Créoles, parler d’« héritages de la colonisation » en Martinique n’a rien d’un slogan.
Ce n’est ni une coquetterie universitaire ni une posture militante. C’est tenter une description d’un état social, économique, institutionnel et symbolique qui structure encore la société martiniquaise. Une question existentielle.
À la différence de l’Hexagone, où le passé colonial peut être tenu à distance, la Martinique vit dans la continuité directe de son histoire coloniale, sans rupture politique fondatrice.
La Martinique n’a pas connu de processus tranché de décolonisation comparable à ceux de l’Afrique ou de l’Asie.
La départementalisation de 1946, si elle a permis des avancées sociales indéniables, a aussi produit un paradoxe durable : l’égalité juridique sans souveraineté politique réelle pouvant avoir une fonction libératrice.
Ce statut intermédiaire explique la persistance d’une économie extravertie, dépendante des transferts publics.
L’un des apports majeurs des travaux de Pascal Blanchard réside dans l’analyse des représentations coloniales. Or ces représentations ne se sont pas dissoutes avec le temps et continuent d’informer les regards portés sur les territoires ultramarins.
Réduire la question coloniale à une bataille mémorielle serait une erreur.
En Martinique, les débats sur l’esclavage, les réparations ou les symboles publics sont indissociables des enjeux de justice sociale.
Penser les héritages de la colonisation ne signifie ni rejeter la République ni essentialiser les identités. Cela signifie prendre au sérieux les effets historiques des rapports sociaux. Ne pas adopter de postures d’évitement.
On ne construit pas l’avenir d’un territoire sans nommer les structures héritées qui pèsent sur son présent.
Gérard Dorwling-Carter



