Le 25 septembre prochain, les élus de la Martinique se réuniront en Congrès pour discuter de l’avenir institutionnel du territoire. Certains y voient une “boîte de Pandore” ou un “mauvais parfum de séparatisme”. Mais assimiler toute réflexion statutaire à une rupture avec la République, c’est confondre débat démocratique et fuite en avant.
Un débat annoncé, pas une surprise
Contrairement à ce qui est affirmé, cette question n’arrive pas de nulle part. Depuis l’Appel de Fort-de-France en 2022, la volonté de repenser la relation avec l’État est affichée par plusieurs présidents de collectivités d’Outre-mer. Le Congrès des élus n’est pas un vote sur l’autonomie, mais une étape préparatoire qui pourra – si un projet concret émerge – conduire à une consultation populaire. Anticiper plutôt que subir, voilà l’enjeu.
Des compétences à exercer… et à adapter
Oui, nos institutions peinent parfois à gérer certaines compétences. Mais il faut en chercher les causes : de nombreuses politiques sont enfermées dans un carcan réglementaire national conçu pour l’Hexagone, et peu adapté à une île caribéenne. L’eau, les déchets, les transports ou les fonds européens se gèrent différemment sous les tropiques. Le pouvoir normatif autonome permettrait de façonner nos lois en fonction des réalités locales, au lieu de bricoler avec des textes inadaptés.
Cela ne signifie pas ignorer les insuffisances d’une collectivité unique qui a mal digéré la fusion du Département et de la Région. Mais si nous attendons que cet outil atteigne une efficacité parfaite pour envisager toute évolution, rien ne changera jamais.
Budget : penser investissement, pas charge
L’argument budgétaire omet un point clé : l’inaction a un coût. Rester dans un modèle qui freine l’adaptation locale entretient la dépendance financière. D’autres territoires ultramarins ont négocié des transferts de compétences assortis de dotations spécifiques. Bien préparée, une évolution statutaire peut devenir un levier pour capter davantage de financements européens ou internationaux et stimuler l’économie régionale. Plus tôt nous agirons, mieux ce sera.
Autonomie n’est pas séparation
Parler de “mauvais parfum de séparatisme” est un raccourci dangereux. L’article 73 de la Constitution permet déjà d’adapter les lois locales dans le cadre républicain. Ce qui est en jeu, c’est de mieux utiliser cette faculté, pas de rompre le lien. L’autonomie normative n’est pas un repli, mais un outil pour renforcer l’efficacité et la coopération avec l’État.
La confiance se gagne par la responsabilisation
La défiance envers les institutions ne disparaîtra pas en restant immobiles. Elle se combat en montrant que nous pouvons gérer davantage de leviers et rendre des comptes sur des résultats concrets. Le Congrès des élus est l’occasion de confronter les visions, de mettre cartes sur table, et de décider ensemble de ce qui est bon pour la Martinique – avec la population comme arbitre ultime.
Au lieu de craindre le débat, osons le mener. Refuser d’envisager d’autres possibles, c’est accepter que notre avenir soit écrit ailleurs, par d’autres, et pour d’autres.