La Martinique est à l’un de ces carrefours où le silence ne suffit plus. Les vents sont contraires, la mer est agitée, la terre est meurtrie. Incertitudes sur notre avenir politique, désordre persistant de la nation française, dérèglement du climat, sargasses rejetées sur nos rivages comme un signe répété, chlordécone enfoui dans les sols et dans les corps, violences, trafics, défiance : tout semble annoncer un temps d’épreuve.
Mais il est écrit, dans l’expérience des peuples, que la nuit n’a jamais le dernier mot.
Souvenons-nous. Cette terre a connu l’arrachement et l’exil forcé, la domination et l’humiliation. Elle a connu les champs brûlants, les corps fatigués, les voix étouffées. Et pourtant, la vie a persisté. Des femmes et des hommes se sont levés, ont tenu, ont transmis, faisant de la survie un acte de dignité.
Aujourd’hui encore, une responsabilité nous est confiée.
Non celle de la plainte sans horizon, mais celle du choix. Car il est un temps pour disperser, et un temps pour rassembler.
Que notre intelligence collective s’élève. Qu’elle mette de côté les divisions qui dessèchent, les querelles qui épuisent, les calculs qui aveuglent. Qu’elle choisisse la voie étroite mais féconde : celle du bien commun, de la justice et de la transmission.
Que la Martinique devienne une terre où la jeunesse ne s’en va plus sans retour, mais demeure et revient, comme on revient à la source. Que notre démographie redevienne signe de vie et non de disparition. Que cette île ne soit plus un passage pour les trafics et la mort, mais un lieu de protection, de droit et de paix.
Que la corruption recule, non par la force des discours, mais par la lumière, par l’exemplarité, par le regard attentif et exigeant des citoyens.
Ce chemin n’est pas aisé. Il demande constance et courage.
Mais nos aînés ont marché avant nous, et ils n’ont pas cédé lorsque l’horizon semblait fermé. À nous, désormais, de tenir la lampe allumée.
L’espoir n’est pas une illusion. Il est une veille.
Et cette veille engage aujourd’hui la Martinique tout entière.
Gérard Dorwling-Carter



