L’histoire de l’esclavage dans les colonies françaises s’étend sur plus de deux siècles et demi, avant d’aboutir à une abolition définitive et à une reconnaissance mémorielle tardive. Du XVIIᵉ siècle au XXIᵉ, cette mémoire douloureuse continue de nourrir débats et revendications. Tout Antillais devrait connaître sur le bout des doigts cet aspect de l’histoire, de son histoire
Les origines : la traite négrière institutionnalisée
En 1642, sous le règne de Louis XIII, la France autorise officiellement la traite des Noirs. Les navires négriers relient alors les côtes africaines aux plantations des Antilles, de Guyane et de l’océan Indien, dans le cadre du « commerce triangulaire ». En mars 1685, Louis XIV promulgue le Code Noir. Ce texte fondateur fixe le statut juridique des esclaves dans les colonies françaises : réduits à des “biens meubles”, ils peuvent être achetés, vendus ou transmis comme héritage.
Les révoltes et la première abolition
La fin du XVIIIᵉ siècle marque une rupture. En 1791, une vaste insurrection éclate à Saint-Domingue, colonie française où près de 90 % de la population est réduite en esclavage. Les révoltés réclament liberté et égalité. Le 4 février 1794, la Convention nationale adopte un décret abolissant l’esclavage dans toutes les colonies françaises.
Le rétablissement par Napoléon et l’indépendance d’Haïti
Mais le 20 mai 1802, Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage. La répression est féroce dans les colonies, notamment en Guadeloupe et en Guyane. Saint-Domingue, en revanche, réussit à repousser l’armée française : le 1er janvier 1804, la colonie proclame son indépendance et devient Haïti, première République noire du monde.
1848 : l’abolition définitive et les indemnisations
Il faut attendre 1848 pour que l’esclavage soit définitivement aboli dans les colonies françaises. Cette décision est portée par Victor Schoelcher, sous-secrétaire d’État aux colonies, sous la IIᵉ République. Mais cette abolition s’accompagne d’une loi votée le 30 avril 1849, qui indemnise les anciens propriétaires d’esclaves à hauteur de 126 millions de francs, soit l’équivalent actuel d’environ 4 millions d’euros. Les anciens esclaves, eux, ne reçoivent aucune compensation.
La lente reconnaissance mémorielle
Il faudra plus d’un siècle et demi pour que la République reconnaisse officiellement ce passé. Le 10 mai 2001, la loi portée par Christiane Taubira est adoptée, qualifiant la traite et l’esclavage de « crimes contre l’humanité ». En 2006, le président Jacques Chirac institue le 10 mai comme Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.
Un héritage toujours vivant
De la codification esclavagiste au XVIIᵉ siècle à la reconnaissance mémorielle du XXIᵉ siècle, l’histoire de l’esclavage reste au cœur des débats contemporains en France et dans les Outre-mer. Les questions de réparations, de mémoire et de transmission se posent encore, illustrant combien ce passé continue de façonner le présent.
Jean-Paul Blois.



