À plus de 3 300 milliards d’euros au premier trimestre 2025, la dette publique française atteint des niveaux inédits. Alors que la charge des intérêts pèse déjà 59 milliards d’euros par an, elle pourrait dépasser 100 milliards à l’horizon 2029. Outre-mer, la contrainte budgétaire se traduit par des tensions accrues sur les financements.
À la fin du premier trimestre 2025, la dette publique française s’élève à plus de 3 300 milliards d’euros, soit près de 112 % du produit intérieur brut. Elle regroupe l’ensemble des emprunts contractés par l’État, les administrations de Sécurité sociale et les collectivités territoriales, dont le remboursement n’a pas encore été effectué. Sa gestion est assurée par l’Agence France Trésor, un service à compétence nationale chargé de lever les fonds nécessaires au financement de l’État et de stabiliser le marché obligataire français.
Si le capital n’apparaît pas dans les comptes publics, les intérêts de la dette constituent une charge croissante. La Cour des comptes l’évalue à 59 milliards d’euros en 2025. Dans ses projections les plus pessimistes, ce montant pourrait atteindre 107 milliards d’ici 2029, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. Cette flambée est la conséquence directe de la remontée des taux d’intérêt depuis 2022, liée aux politiques monétaires restrictives de la Banque centrale européenne. Longtemps habituée à des conditions d’emprunt favorables, la France doit désormais refinancer sa dette à un coût plus élevé.
La comparaison internationale place la France dans la moyenne haute de la zone euro.
L’Allemagne conserve un ratio dette/PIB autour de 64 %, l’Espagne approche les 107 %, tandis que l’Italie dépasse 137 %. Le Japon reste un cas extrême, avec une dette supérieure à 250 % du PIB, mais largement détenue par ses propres épargnants, ce qui le protège partiellement de la pression des marchés. La France, en revanche, dépend davantage des investisseurs internationaux, ce qui la rend plus vulnérable à une dégradation de sa note souveraine.
Dans les territoires d’outre-mer, l’effet de la dette publique se fait déjà sentir.
La hausse de la charge des intérêts exerce une pression directe sur les budgets de l’État, et donc sur les dotations destinées aux collectivités locales et aux grands chantiers. Les financements de la continuité territoriale, de la santé, de l’éducation ou encore de la formation professionnelle apparaissent particulièrement exposés. Les collectivités ultramarines, déjà fragilisées par un tissu économique limité et une dépendance marquée aux transferts publics, voient leurs marges de manœuvre se réduire.
Cette contrainte survient alors que les besoins sont immenses. Les hôpitaux doivent être modernisés, les établissements scolaires rénovés, les infrastructures adaptées au changement climatique. Les politiques de lutte contre la vie chère et le chômage exigent elles aussi des investissements soutenus. Or, dans un contexte de rigueur budgétaire, ces priorités risquent de se heurter à l’arbitrage en faveur du désendettement.
La question politique est désormais posée : comment conjuguer discipline budgétaire et exigences sociales, en particulier dans les outre-mer où les inégalités avec l’Hexagone restent criantes ?
Le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, devra composer avec la pression de Bruxelles pour ramener le déficit sous la barre des 3 % tout en répondant aux attentes d’une opinion publique confrontée à l’inflation, aux tensions sociales et à une forme d’austérité larvée. Outre-mer, où les fractures économiques et sociales sont plus marquées qu’ailleurs, le dilemme se présente avec une acuité particulière.
Jean-Paul BLOIS