Face aux maires réunis en congrès, le chef d’état-major des armées, le général Fabien Mandon, a dressé un tableau d’une rare sévérité des menaces pesant sur la France. Dans un contexte de durcissement des rapports de force et de réarmement accéléré de plusieurs puissances, il a affirmé que l’Europe entrait dans une période de « retour brutal de l’histoire », marquée par la montée des risques de confrontation directe.
Le général Mandon a pointé en premier lieu « la préparation active » de la Russie à un affrontement d’ici à « l’horizon 2030 », estimant que Moscou avait engagé une stratégie de long terme visant à tester la solidité des démocraties européennes. Selon lui, l’invasion de l’Ukraine n’est qu’une étape d’un projet plus large de rééquilibrage de la puissance, dont les conséquences pourraient atteindre directement l’Hexagone.
À cette pression stratégique s’ajoute le basculement amorcé par les États-Unis vers l’Asie. Washington, engagé dans une compétition systémique avec la Chine, recentre son effort militaire vers le Pacifique, réduisant de facto sa disponibilité immédiate sur le théâtre européen. Une évolution lourde de conséquences pour les Européens, appelés à assumer davantage leur propre sécurité.
Dans ce paysage instable, le général Mandon exhorte la nation à retrouver une « force d’âme » collective, condition selon lui de la résilience stratégique. Il appelle les élus comme les citoyens à accepter que la dissuasion, pour être crédible, repose sur la capacité d’un pays à « consentir des sacrifices », y compris, dit-il, « accepter de perdre ses enfants » pour défendre ses valeurs et son modèle démocratique. Une formule choc, assumée pour réveiller, affirme-t-il, une opinion publique qu’il juge trop confiante dans la permanence de la paix.
Au-delà de ce constat alarmant, le chef d’état-major plaide pour un renforcement résolu de la défense européenne, fondé sur une autonomie stratégique accrue, une montée en puissance industrielle et une coordination militaire renforcée. Il en appelle à un « sursaut national » articulé autour de l’effort de défense, de la cohésion civique et de la préparation du pays aux chocs futurs.
Dans une Europe fragmentée et sous tension, son message se veut un électrochoc : la sécurité ne peut plus être considérée comme un acquis, mais comme une construction collective et fragile, qui exige mobilisation, lucidité et endurance.
JPB



