À l’heure où la Martinique cherche à repenser son modèle de développement, la pensée de Sandra Casanova propose une feuille de route ambitieuse : dépasser la logique de projets isolés pour construire un système intégré de création de valeur, ancré dans les réalités locales et ouvert sur la Caraïbe et le monde. Cet article synthétise cette vision et suggère une série de projets concrets permettant de la mettre en œuvre. Certains d’entre eux exigent la mise en place de pouvoirs de gouvernance plus importants, et ce sera la pertinence de ces projets qui pourra faciliter leur obtention.
Penser la valeur : dépasser les infrastructures pour créer de l’impact
Pour Sandra Casanova, la réussite d’un territoire ne se mesure plus à ses constructions visibles mais à ce qu’il met en mouvement. Les infrastructures, aussi essentielles soient-elles, ne créent de la valeur que si elles sont connectées aux filières, aux marchés et à la recherche nous dit-elle. La Martinique doit ainsi devenir un véritable hub caribéen de production, de services et de savoirs, en mobilisant ses atouts : position géographique, compétences et réseaux régionaux comme européens.
Mobiliser et ancrer les talents
La transformation du territoire passe ainsi par la construction d’un écosystème de compétences : retenir les jeunes, attirer des talents venus d’ailleurs et fluidifier la circulation de l’intelligence dans la région. Les co‑diplomations caribéennes, les parcours de mobilité universitaire et le renforcement de l’attractivité de l’Université des Antilles sont au cœur de cette stratégie. Le vieillissement, loin d’être une contrainte, doit être abordé comme un champ d’innovation permettant d’inventer de nouveaux services et modes d’aménagement.
S’inscrire dans la dynamique glo‑cale
Penser glo‑cal pour la conseillère territoriale signifie refuser d’opposer ancrage local et ouverture internationale. La Martinique doit devenir une interface active entre l’Europe, la Caraïbe et l’Amérique latine, sans perdre de vue les opportunités offertes par l’Afrique. Cela implique une logistique modernisée, une intégration économique régionale proactive et une diplomatie économique agile, capable de capter des partenariats et des marchés.
Changer de paradigme : du modèle hérité au modèle génératif
Le territoire doit passer d’un modèle d’assistance, largement hérité du XXᵉ siècle, à un modèle génératif reposant sur la création de valeur économique, sociale et environnementale. Cette transition nécessite un état d’esprit nouveau : coopératif plutôt que concurrentiel, transversal plutôt que cloisonné, projeté plutôt que réactif, est-il précisé
Projets concrets de mise en œuvre
Partant du principe que la foultitude des obstacles s’opposant à ce pjojet soient surmontés, plusieurs projets réalistes peuvent incarner cette vision :
• Une plateforme caribéenne des industries du savoir : un centre numérique régional dédié à la transformation digitale des entreprises, à la cybersécurité et à l’IA appliquée aux petites et moyennes entreprises.
• Un pôle d’agro‑transformation régionale pour structurer les filières locales (cacao, épices, fruits tropicaux, rhum) et garantir un accès durable aux marchés internationaux.
• Un centre logistique intégré port‑aéroport, appuyé sur des outils de traçabilité numérique et une vision commune des flux.
• Des co‑diplomations UA–UWI–Université du Québec–Universidad del Caribe, créant un véritable espace caribéen de formation et d’innovation.
• Un programme de coopération renforcée avec l’Afrique dans les domaines de la formation, de l’agriculture durable et de l’innovation territoriale.
• Un Fonds territorial d’investissement productif orienté vers les projets endogènes à fort potentiel de création de valeur.
• Des laboratoires d’innovation territoriale (mobilité, eau, énergie, santé, agriculture) permettant d’expérimenter des solutions à l’échelle locale.
Un appel à l’action collective
La réussite de cette transformation ne dépendra pas d’un seul acteur mais d’une alliance durable entre élus, entreprises, recherche, jeunesse et société civile. La Martinique peut devenir un véritable laboratoire caribéen de la création de valeur, à condition de relier ses forces et d’assumer une trajectoire ambitieuse et cohérente.
Au final : une Martinique en mouvement
Le chemin proposé est audacieux mais possible. Il dessine une Martinique capable de produire, transformer, attirer et partager la valeur. Une Martinique qui se projette dans la Caraïbe et dans le monde. Une Martinique qui cesse de subir pour devenir un acteur stratégique du développement régional.
Gérard Dorwling-Carter



