Michel Brandi – mon ami -a cru nécessaire de me “remettre dans le droit chemin” de la doxa autonomiste il s’agit de ne pas remettre en cause la pensée dominante qui se conçoit comme un dogme intangible et intouchable. L’autonomie c’est une simple substitution de gouvernance, un remplacement mécanique par les élus des instances étatiques de la France, hors le champ des compétences régaliennes Avec pour acquis que le projet porte en lui et à lui tout seul une force d’adhésion populaire
Extrait de la critique de Michel Branchi
Au-delà des différences de chiffres avec l’autre contradicteur de l’autonomie, le raisonnement est identique : la Martinique dépend des dépenses de l’Etat français. Dorwling-Carter envisage l’hypothèse de l’indépendance en énonçant : “Dans l’hypothèse d’une indépendance, la Martinique devrait lever elle-même l’ensemble des impôts et taxes nécessaires, assumer seule les cotisations sociales, et rechercher de nouveaux partenaires extérieurs. Or, le tissu économique local, la base fiscale restreinte et la démographie rendent cette équation particulièrement difficile à résoudre. Les recettes fiscales actuelles couvriraient à peine 40% des besoins, laissant un déficit de plus d’1,5 milliard d’euros à compenser chaque année.
L’absence des transferts actuels impliquerait soit une hausse massive des impôts, soit une réduction drastique des services publics, soit un recours incertain à l’endettement ou à l’aide internationale. Le niveau de vie et la qualité des services seraient directement impactés, posant la question de la soutenabilité
d’un tel projet et des troubles sociaux qui en découleraient”.
La catastrophe. A noter qu’il choisit l’option de l’indépendance et non de l’autonomie.
D’un côté un déficit de 4,4 milliards d’euros, de l’autre un défi-cit de 1,5 milliard d’euros.
Et GDC de conclure : “En définitive, toute réflexion sur l’émancipation ou le changement de statut doit s’adosser à une analyse budgétaire honnête et complète. C’est le préalable
indispensable à un débat démocratique véritablement éclairé”. Quant à l’économiste Jean-Marie Nol, après avoir demandé : “dans un monde de rapports de force incertain, la Guadeloupe a-t-elle les moyens de son autonomie ?”, il avertit : “L’idée d’un changement statutaire vers l’article 74 de la Constitution, pro-messe d’une autonomie accrue, est agitée comme un remède aux maux structurels de la société guadeloupéenne. Mais cetteaspiration se heurte à un mur de réalités financières, écono miques et sociales. L’exigence de plus de responsabilités locales est louable en apparence. Elle traduit une volonté de s’émanciper, de se prendre en main, de sortir de l’ombre de la tutelle post coloniale parisienne. Mais cette ambition, sans un
projet économique solide, sans vision claire, sans moyens budgétaires durables, risque de se transformer en impasse”.
Il ne vient pas à l’idée de ces pourfendeurs de l’autonomie que les transferts publics pourraient être utilisés dans une autre logique :
Alimenter un autre type de croissance et construire progressivement moins de dépendance. Un mode de développement endogène. .
Or la crise de la vie chère a démontré récemment que, pour
la résoudre, il faut changer de modèle économique et social, ce qui implique de pouvoir détenir les leviers du développement et donc un changement de statut.
L’impasse, c’est aujourd’hui que nous la vivons. La voie tracée en 1971 par la Convention du Morne-Rouge nous paraît toujours actuelle. En l’adaptant au temps présent, bien sûr.
Michel Branchi
La réponse de Gérard Dorwling-Carter
Réponse à la critique : une cohérence dans la lucidité
Je prends acte de la critique formulée à l’égard de mon analyse. Elle m’impute un reniement, voire un revirement idéologique, en opposant mes mises en garde budgétaires à l’aspiration à l’autonomie ou à l’indépendance. Ce serait, selon ses termes, le discours d’un “ex-74” rallié à une forme d’orthodoxie gestionnaire, effrayé par les chiffres et figé dans une logique de dépendance à l’État français.
Mais que dit réellement mon propos ?
Je ne fais que poser, avec rigueur, les termes d’une réalité à laquelle il serait irresponsable de se soustraire : toute option de souveraineté — qu’elle soit autonomie élargie ou indépendance — exige un examen sincère, chiffré, sans fard ni incantation, de ses implications économiques, fiscales et sociales. Cela n’a rien d’un reniement. Bien au contraire : c’est la condition même de l’obtention d’une adhésion populaire, fondée sur la lucidité et non sur l’illusion.
Ce que je défends, c’est une démarche politique exigeante, qui ne se satisfait plus des slogans ni des répétitions rituelles — qu’elles viennent de “pourfendeurs de l’autonomie” ou de ceux qui, depuis 50 ans, “alimentent un autre type de croissance” sans jamais en détailler les leviers, les coûts ni les calendriers.
Il ne suffit pas de dire que les transferts publics doivent être “réorientés” : encore faut-il dire comment, par qui, dans quel cadre juridique, avec quels impacts sur les services publics et le niveau de vie des Martiniquais. À ce jour, ni l’État ni les forces autonomistes n’ont produit de projet économique rigoureux, budgétairement soutenable et socialement mobilisateur.
Or c’est cela que j’appelle de mes vœux. Non pour entretenir la dépendance, mais au contraire pour faire prendre conscience des conditions concrètes de l’émancipation.
La souveraineté ne se décrète pas : elle se prépare.
Et cette préparation suppose de dire que l’exercice de la responsabilité s’accompagne de renoncements, de transferts de charges, de ruptures symboliques, de pertes d’avantages — mais aussi de gains en dignité, en initiative et en pouvoir d’agir. C’est ce discours de vérité qu’il faut avoir le courage de porter.
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La crise de la vie chère, la dégradation des services publics, les inégalités structurelles crient la nécessité de rompre avec le modèle actuel. Mais pour passer d’une économie de comptoir à une économie souveraine, il faut un plan, une méthode, un chiffrage, un consensus. Sinon, on se condamne à l’errance ou au désenchantement.
Il ne s’agit donc pas de clore le débat. Mais d’en élever le niveau. En sortant des postures, en affrontant les chiffres, en construisant pas à pas ce que pourrait être une autonomie assumée et maîtrisée. C’est cela que portait, en 1971, la Convention du Morne-Rouge.
c’est ce que nous n’avons pas fait à l’occasion des référendums qui ont été catastrophiques pour nos idées de dignité et de responsabilité.
C’est cela qu’il faut réactualiser. Non pas par nostalgie, mais pour que le rêve d’émancipation ne reste pas une abstraction.
Gérard Dorwling-Carter
Autonomiste, lucide et engagé