Symbole d’un capitalisme haïtien concentré entre quelques familles, Gilbert Bigio demeure une figure à la fois admirée et controversée. Entre réussite entrepreneuriale et accusations de collusion avec les gangs armés, son nom illustre les ambiguïtés d’un pays prisonnier de ses élites économiques.
Un empire né du commerce et de l’acier
Né vers 1935 à Port-au-Prince, Gilbert Bigio est issu d’une famille juive séfarade originaire du Moyen-Orient. Son père, Isaac Bigio, s’installe en Haïti dans les années 1920, où il fonde une entreprise d’import-export. De ce socle naît un empire : le GB Group, fondé par Gilbert Bigio dans les années 1970, devenu un conglomérat dominant l’économie haïtienne.
Le groupe contrôle plusieurs secteurs stratégiques : la sidérurgie avec GB Steel, la grande distribution via Delimart, la logistique et l’import-export avec Carribex et Haytrac, l’énergie avec GENSA, et surtout Port Lafito, un port maritime privé ultramoderne inauguré en 2015, considéré comme un atout logistique majeur pour le pays. Le GB Group pèse aujourd’hui plusieurs centaines de millions de dollars et entretient des partenariats avec des multinationales comme TotalEnergies, Nestlé ou Heineken.
Un homme d’influence au cœur du pouvoir
Gilbert Bigio n’est pas seulement un industriel, mais aussi un homme d’influence. Il a longtemps exercé la fonction de consul honoraire d’Israël en Haïti et reste la figure centrale de la communauté juive haïtienne. Proche de plusieurs gouvernements successifs, notamment ceux de Jean-Claude Duvalier, Michel Martelly et Ariel Henry, il incarne cette bourgeoisie d’importation accusée d’avoir capturé l’État haïtien.
Des chercheurs comme Jake Johnston (Center for Economic and Policy Research) ou Alex Dupuy (Wesleyan University) soulignent que cette élite économique a su s’adapter à tous les régimes, finançant tour à tour les pouvoirs en place pour préserver ses privilèges économiques et fiscaux.
Sous sanctions internationales
En décembre 2022, le gouvernement du Canada impose des sanctions à Gilbert Bigio, ainsi qu’à Sherif Abdallah et Reynold Deeb, les accusant de soutenir des activités de gangs armés et de participer à des circuits de blanchiment d’argent. Ottawa affirme que ces hommes d’affaires ont permis aux gangs de « continuer à terroriser la population ».
Si les États-Unis ne l’ont pas directement sanctionné, des sources diplomatiques américaines confirment que Bigio figure sur une liste de surveillance du Trésor américain (OFAC). Le magazine The New Republic a par ailleurs évoqué le port de Lafito comme possible point de transit pour des armes et munitions, une accusation que Bigio nie catégoriquement, parlant d’une campagne de diffamation.
Les circuits offshore et les Pandora Papers
Les Pandora Papers ont révélé que la famille Bigio détenait plusieurs sociétés offshore aux Îles Vierges britanniques, utilisées pour transférer des capitaux entre Haïti, la Floride et la Suisse. Bien que légales, ces structures illustrent la fuite massive de capitaux hors du pays et la faible contribution fiscale des grandes fortunes locales.
Une figure du capitalisme de connivence
Pour certains, Gilbert Bigio symbolise un entrepreneur visionnaire qui a bâti un groupe moderne malgré le chaos politique. Pour d’autres, il incarne un capitalisme de connivence, adossé à la rente d’importation et au contrôle des infrastructures stratégiques. Les mouvements citoyens et partis politiques dénoncent depuis des années l’emprise d’une oligarchie composée des familles Bigio, Mevs, Brandt, Madsen et Apaid sur les institutions du pays.
Le symbole d’une fracture haïtienne
L’affaire Bigio met en lumière une fracture ancienne : celle d’une Haïti divisée entre une élite concentrée à Port-au-Prince et une majorité pauvre exclue du pouvoir économique. Cette dualité, analysée par Jean Casimir et Michel-Rolph Trouillot, explique en partie l’incapacité du pays à construire un État fort et inclusif.
Un empire toujours en activité
Aujourd’hui âgé de près de 90 ans, Gilbert Bigio reste discret, laissant son fils Reuven Bigio diriger le GB Group depuis Miami et Lafito. Son nom demeure synonyme d’influence et de controverse. Visionnaire industriel pour les uns, oligarque prédateur pour les autres, il symbolise un modèle économique haïtien profondément inégalitaire, où le pouvoir de l’argent se confond avec celui de l’État.
— Article rédigé par ChatGPT, d’après les sources New Republic, Wikipedia, Haïti Liberté et CEPR (2022-2025).