Après plusieurs mois de discussions entre élus guyanais et gouvernement, un accord a été trouvé pour ouvrir une nouvelle page du destin institutionnel de la Guyane. Les représentants du territoire et le ministère des Outre-mer se sont mis d’accord sur un calendrier précis : la population sera appelée à se prononcer, par référendum, après les élections municipales de 2026. Ce processus, qui associera société civile, forces économiques et monde politique, vise à bâtir un cadre institutionnel inédit, adapté aux réalités locales et à l’ancrage amazonien du territoire.
Les précédents référendums en Guyane
10 janvier 2010 : Les électeurs rejettent le passage du régime de l’article 73 (assimilation législative) à l’article 74 (autonomie) de la Constitution, par 69,8 % de « non ».
24 janvier 2010 : Deuxième consultation, cette fois pour approuver la création d’une Collectivité territoriale unique (fusion du département et de la région). Le « oui » l’emporte avec 57,48 % des voix.
Depuis 2010 : Les débats sur une évolution statutaire ont ressurgi à plusieurs reprises, avec une montée des propositions pour un statut « sui generis » – spécifique à la Guyane – afin de dépasser l’alternative 73/74.
Un calendrier politique resserré
À l’issue d’une réunion à Paris avec le ministre des Outre-mer, neuf signataires – parmi lesquels Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), et les parlementaires Georges Patient et Roger Aron – ont entériné un relevé de décisions en dix points. L’objectif : organiser une consultation des électeurs sur l’avenir institutionnel de la Guyane dans le courant de 2026, après les municipales.
La sénatrice Marie-Laure Phinéra-Horth n’a pas signé le document, tandis que les députés Jean-Victor Castor et Davy Rimane ont boycotté la rencontre, dénonçant l’absence de la société civile.
L’inclusion de la société civile et des forces économiques
Le point 7 du document prévoit que la société civile, ainsi que les forces économiques et sociales, participeront à la prochaine réunion d’étape. Par ailleurs, le programme de travail arrêté lors de cette rencontre sera présenté au président de la République d’ici la fin août ou le début septembre, non pas immédiatement lors de ce déplacement parisien, contrairement à ce qui avait été annoncé par Roger Aron.
Un groupe de travail dédié aux institutions
Un groupe ad hoc chargé des questions institutionnelles et des adaptations constitutionnelles et organiques sera constitué. Sa mission s’appuiera sur le document d’orientations adopté à l’unanimité par le Congrès des élus de Guyane. Les participants affirment reconnaître la singularité du territoire et s’engagent à éviter toute transposition mécanique de modèles appliqués à d’autres régions ultramarines.
Le compromis politique issu de ces travaux sera soumis à un vote du Congrès des élus.
Un cadre inédit à construire
Pour l’avocat et ancien bâtonnier Patrick Lingibé, ce relevé de décisions marque l’ouverture « d’une possibilité d’un nouveau cadre institutionnel, bâti avec l’État dans le dialogue, la co-construction, l’inclusion et la transparence ». Il souligne la nécessité de concevoir un statut adapté aux réalités guyanaises, ancrées dans un environnement sud-américain et amazonien.
Mais il met en garde :
« L’aboutissement de tout ce travail ne trouvera sa réelle légitimité qu’à travers l’adhésion de la population guyanaise. »
Une mémoire du précédent référendaire
En 2010, un projet de changement de régime constitutionnel – de l’article 73 à l’article 74 – avait été soumis aux électeurs, sans succès, faute de compréhension et de mobilisation. Depuis, le paysage politique a évolué : l’élection à l’Assemblée nationale de Jean-Victor Castor et de Davy Rimane, et la montée en puissance des partisans d’un statut « sui generis », laissent entrevoir un contexte plus favorable.
La réponse définitive sur l’avenir institutionnel de la Guyane interviendra après les municipales de 2026, à l’issue d’un vote décisif.
Paul-Émile BLOIS