À l’issue de la rencontre littéraire organisée dans les jardins de la Direction des Affaires Culturelles, nous avons rencontré Johan-Hilel Hamel, Directeur des Affaires Culturelles de Martinique. Dans cet entretien exclusif, il revient en profondeur sur l’esprit du Festival En Pays rêvé, le rôle de la DAC, l’accompagnement des auteurs et sa vision personnelle de la littérature comme pilier du développement individuel et collectif.
Pouvez-vous nous expliquer l’esprit de l’événement organisé ce soir et ses objectifs ?
Johan-Hilel Hamel : Cet événement s’inscrit dans le cadre du festival En Pays rêvé. Il est organisé en collaboration avec la Direction des Affaires Culturelles. Nous soutenons très fortement ce festival de manière très volontariste parce qu’il s’agit de l’un des grands festivals de littérature de la Caraïbe. C’est une manifestation à dimension internationale, avec des auteurs venus de différents horizons : il y a des auteurs algériens, des auteurs rwandais, et plus largement des auteurs du monde entier.
Pour nous, Direction des Affaires Culturelles, l’idée était d’ouvrir les portes de cette administration publique, comme nous l’avons déjà fait à trois reprises, et c’est la troisième phase cette année, à des événements qui le souhaitent. Ce sont eux qui nous sollicitent, parce que je considère qu’une administration qui administre, comme son nom l’indique, peut aussi être dans un rapport renouvelé avec les acteurs du territoire, le public bénéficiaire et les artistes. C’est le sens de ces rencontres. Il se trouve que nous disposons d’un bel espace à l’arrière de la DAC, qui se prête bien à ce type de rencontres.
Comment la DAC accompagne-t-elle concrètement les auteurs et les artistes martiniquais tout au long de l’année ?
M. JH Hamel : Il y a la DAC, mais aussi tout ce que fait le ministère de la Culture. Nous travaillons en coopération permanente avec ce que j’appelle le bras armé de l’administration culturelle du livre, notamment le Centre National du Livre, qui accompagne très fortement les artistes et les auteurs tout au long de l’année.
Nous jouons un rôle de relais des dispositifs du Centre National du Livre auprès des auteurs. Nous organisons également des résidences d’auteurs, nous accompagnons l’édition, les librairies, les bibliothèques. Notre action est davantage orientée vers le livre que vers les auteurs individuellement, mais nous encourageons chaque événement que nous soutenons à financer et rémunérer les auteurs pour leur travail.
Par exemple, une rencontre comme celle-ci s’inscrit dans un cadre très précis : nous demandons le respect d’une charte de rémunération des auteurs, que les événements soutenus doivent appliquer.
Existe-t-il des dispositifs d’aides et des appels à projets accessibles aux acteurs culturels ?
M. JH Hamel : Oui, bien sûr. Il existe des appels à projets tout au long de l’année, ainsi que de nombreux dispositifs d’aide que nous relayons systématiquement. Nous sommes très souvent associés à ces démarches, parfois comme partenaires, parfois comme maîtres d’œuvre ou maîtres d’ouvrage.
L’accompagnement de la politique culturelle passe avant tout par le renforcement de l’écosystème du livre : les bibliothèques, les dispositifs « jeunes en librairie », les cartes jeunes, le pass culture, la création de résidences d’auteurs lorsque cela est possible, ainsi que le financement de festivals comme En Pays rêvé.
Quel message souhaitez-vous adresser au public à travers ce festival, et que représente pour vous le fait d’associer la Martinique à une dynamique littéraire nationale et internationale ?
M. JH Hamel : Pour moi, la Martinique est un très grand pays littéraire, avec de grands auteurs et donc, naturellement, de grands lecteurs. Le message que je souhaite faire passer est simple : lisez.
Nous savons tout ce que la lecture apporte au développement cérébral, mais aussi au développement citoyen, à la construction d’une société, à ce que cela peut apporter au collectif, même si la lecture reste un exercice intime. La lecture est un exercice fondamental, parfois menacé aujourd’hui par les écrans et les réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux fonctionnent par « pensées slogans » : en quelques mots, on prétend résumer une pensée. Mais une pensée ne peut pas se résumer tant qu’on ne l’a pas rencontrée dans un livre. Le livre permet de s’évader, de voyager.
Je suis très heureux qu’un collectif d’auteurs présents au festival se retrouve en Martinique, dans ce grand pays de littérature et d’inspiration. C’est un territoire qui, par son histoire, par sa mémoire, par son rôle de carrefour civilisationnel, porte une dimension politique et culturelle absolument fondamentale et magnifique. C’est un très beau message envoyé au monde que d’inviter ces auteurs à venir ici.
Vous parlez de littérature avec passion. Quelle place occupe-t-elle personnellement dans votre parcours ?
M. JH Hamel : Pour moi, le livre, la lecture et la littérature ont été le point d’entrée de ma passion pour la culture. C’est un exercice solitaire, mais extrêmement puissant.
Je suis quelqu’un qui aime les événements, qui aime en organiser, mais ce temps intime de la lecture, la manière dont les livres m’ont fait voyager, c’est une expérience qui a été déterminante dans ma vie. C’est une expérience que j’aimerais que tous puissent vivre. C’est un moment que je chéris profondément et pour lequel je suis prêt à m’engager pleinement.
Quel est votre livre de chevet, celui qui vous accompagne le plus ?
M. JH Hamel : J’ai beaucoup de livres de chevet. Mais s’il y en a un qui me vient spontanément, c’est Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq.
J’ai aussi été récemment marqué par L’Automobile Club d’Égypte d’Alaa El Aswany. J’ai lu plusieurs fois Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud. J’ai plusieurs livres de chevet, mais Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, reste vraiment mon livre de référence.
Entretien réalisé à Fort-de-France, le 21 novembre, par Philippe PIED, dans le cadre du Festival En Pays rêvé.



