Communiqué de La Collectivité Territoriale de Martinique
Matinik, 9 juiyé 2025
La Collectivité Territoriale de Martinique se félicite de la confirmation, dans un courrier adressé ce lundi 8 juillet 2025 par le Ministre des Affaires Étrangères Jean-Noël Barrot, de la transmission au Parlement, dès septembre prochain, du projet de loi d’approbation de l’accord relatif aux privilèges et immunités signé avec la CARICOM.
Cette étape constitue un préalable indispensable à la finalisation du processus d’adhésion de la Martinique à la CARICOM en tant que membre associé, conformément à l’accord signé en février 2025 à la Barbade.
L’accord sur les privilèges et immunités encadre juridiquement la présence et le fonctionnement des institutions de la CARICOM sur le territoire martiniquais, dans le respect du droit international. Sa ratification par le Parlement français permettra de formaliser l’intégration de la Martinique au sein de l’organisation régionale et d’activer les modalités concrètes de coopération.
Pour Serge LETCHIMY, Président du Conseil Exécutif, « cette étape diplomatique et législative représente une avancée majeure. Elle traduit l’engagement de la République à respecter la volonté de la Martinique d’approfondir son ancrage caribéen. C’est une reconnaissance de notre identité, de notre géographie et de notre capacité à contribuer pleinement à la dynamique régionale ».
La Collectivité Territoriale de Martinique tient à remercier les services du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour leur mobilisation sur l’accompagnement de ce texte essentiel dans le processus législatif à venir.
La Collectivité reste pleinement engagée pour que cette adhésion devienne une réalité opérationnelle au service du développement économique, social, culturel et environnemental de la Martinique dans son espace régional.
La Martinique rejoint la CARICOM : un tournant stratégique à la croisée du droit, de la politique et de l’économie
Note de la rédaction
Le 20 février 2025, à la Barbade, un geste hautement symbolique est venu clore un processus diplomatique entamé plus d’une décennie plus tôt : la signature officielle de l’accord d’adhésion de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) à la Communauté caribéenne (CARICOM) en tant que membre associé. Derrière la poignée de main entre Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la CTM, et la Première ministre barbadienne Mia Mottley, c’est une nouvelle page qui s’ouvre pour le territoire martiniquais, engagé dans une stratégie d’ancrage régional ambitieuse.
Une intégration régionale sur mesure
Créée par le traité de Chaguaramas en 1973, la CARICOM rassemble aujourd’hui quinze États membres de plein droit et cinq membres associés. Elle poursuit une intégration régionale à plusieurs niveaux : économique, politique, sociale, culturelle. Si la Martinique n’y entre pas comme État souverain — ce qu’elle n’est pas —, elle y trouve une place spécifique, celle de membre associé, un statut réservé aux territoires non indépendants, comme Anguilla ou les îles Caïmans.
Ce statut, s’il lui interdit de voter dans les instances stratégiques comme la Conférence des chefs de gouvernement ou le Conseil des relations extérieures (COFCOR), lui ouvre néanmoins l’accès aux réunions techniques, aux coopérations thématiques, et à un espace d’influence informel. Une place limitée, mais réelle, dans une organisation historiquement centrée sur la souveraineté des États.
La para-diplomatie à l’épreuve du droit français
Cette adhésion n’aurait pas été possible sans les marges de manœuvre offertes par l’article 73 de la Constitution française. Celui-ci permet, pour les départements d’outre-mer, des adaptations législatives et des compétences renforcées en matière de coopération régionale. Depuis la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, les collectivités peuvent conclure des accords avec des États tiers ou adhérer à des organisations internationales… sous certaines conditions.
La Martinique s’inscrit donc dans ce que la diplomatie française appelle la “diplomatie démultipliée” : une action extérieure complémentaire, menée par les collectivités avec l’aval de l’État. Si cette dynamique permet d’ouvrir des perspectives nouvelles, elle suppose un dialogue constant avec Paris, notamment dans les domaines régaliens (politique étrangère, sécurité, défense), qui restent de compétence exclusive de l’État.
Dix ans de négociations pour lever les réticences
L’ambition caribéenne martiniquaise remonte aux années 2012-2013, lorsque la Région, alors présidée par Serge Letchimy, avait obtenu l’autorisation de l’État pour engager des discussions avec la CARICOM et l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO). L’adhésion à cette dernière avait été actée en 2015, mais le dossier CARICOM s’était enlisé.
Il a fallu relancer les discussions en 2022, dans un contexte régional jugé plus favorable. La CARICOM, désormais plus ouverte à la coopération avec les territoires français, a fini par donner son feu vert en juillet 2023. La signature de février 2025 a été rendue possible par la présence d’un ministre délégué français, gage de la fiabilité des engagements pris par une collectivité non souveraine.
Opportunités économiques et obstacles structurels
L’intégration de la Martinique à la CARICOM vise d’abord à diversifier ses débouchés économiques. Aujourd’hui encore, près de 70 % des importations martiniquaises proviennent de l’Union européenne. L’objectif est désormais d’intensifier les échanges avec ses voisins caribéens, de nouer des partenariats dans des secteurs comme l’agro-transformation, la pêche, le tourisme, l’économie bleue, ou les énergies renouvelables.
La Martinique espère aussi devenir un “hub” stratégique entre l’Europe et la Caraïbe, notamment grâce à l’accès à des programmes de financement régionaux jusqu’alors inaccessibles. Mais la tâche sera ardue : la fragmentation du marché régional, les barrières logistiques (transport maritime insuffisant), les écarts de normes et de coûts (notamment sociaux) sont autant d’obstacles à surmonter.
Un dernier verrou : la ratification d’un accord international
Malgré l’euphorie diplomatique, un détail crucial reste à régler : la ratification par la France d’un protocole sur les privilèges et immunités (P&I) de la CARICOM. Ce texte, nécessaire pour permettre à l’organisation d’exercer ses fonctions en Martinique (notamment via une antenne locale), doit être adopté par le Parlement français. Il conditionne l’effectivité pleine et entière de l’adhésion.
Ainsi, cette avancée inédite pour une collectivité française d’outre-mer reste suspendue à une validation nationale. Car si la Martinique a conquis sa place dans l’espace caribéen, c’est toujours Paris qui détient la clé de voûte de sa capacité à s’y projeter pleinement.
GÉRARD DORWLING-CARTER