Jeudi 30 octobre, une quinzaine de jeunes sont allés à la rencontre du céramiste Victor Anicet. Une rencontre à la thématique artistique qui s’est muée en véritable échange humain et intergénérationnel.
La villa qui se situe juste en haut de la résidence des Cycas, à Fort-de-France, s’est transformée en une masterclass, jeudi 30 octobre. Une quinzaine de jeunes faisaient face au plasticien, Victor Anicet. Le céramiste de formation, né en 1938 au Marigot, a partagé son expérience avec générosité au-delà du domaine de l’art. Il est remonté au temps de l’amiral Robert. Le temps des pénuries. Victor Anicet évoque alors son père pêcheur au canot sans voile qui s’échinait à nourrir ses huit enfants. Il en mourra de fatigue à l’âge de 45 ans. Victor Anicet n’avait que 9 ans. Il dépeint longuement sa vie de misère non sans une pointe d’humour pour donner un contexte à ses œuvres à venir. “Ce n’est pas pour faire pleurer dans les chaumières”.

Pourtant Victor Anicet ne se sentait pas malheureux, tient-il à préciser. Mêlant ainsi le français et le créole, il retrace son enfance au Marigot. Ses premiers pas dans les matières premières qu’il utilisera plus tard dans ses œuvres. “Si vous n’êtes pas conscients, vous n’allez pas pouvoir vous battre. Quand on a un rêve, il ne faut écouter personne. Pa ni djin djin, travail, travail pour arriver à l’excellence”. Alors étudiant, il quitte la Martinique pour Paris. Il obtient une bourse de 100 francs avec une chambre à 80 francs, “je restais sans manger mais ce n’est pas grave. »
Mémoire vivante, l’art de transmettre. Place à la transmission, à l’écoute et à la création.
Victor Anicet est un amateur d’art au-delà de l’art plastique, il est fervent de lecture, une passion qui le prend dès sa jeunesse, alors qu’il étudie du Châteaubriant en CM2. Un art utile à forger la conscience et l’esprit critique, à se nourrir intellectuellement. “Des projets qui maintiennent en vie”. Ces projets à lui, c’est l’art et la transmission.
Venus des missions locales du nord, du centre et du foyer des Cycas, ces jeunes ont religieusement écouté le plasticien. Mais pas uniquement. La matinée a été un lieu d’échange. “Je ne suis pas un artiste. Je n’aime pas ce mot. Je suis un artisan.” Victor Anicet et ses fameux murs émaillés, teintés disséminés un peu partout en Martinique.
Parmi ces jeunes, Alissia, 25 ans. Curieuse d’échanger avec un aîné, elle a souhaité assister à cette rencontre. « Cela nous permet de voir que la facilité que l’on a maintenant n’est pas le même qu’à l’époque de Victor Anicet. » La jeune femme est sensible à l’art du groupe Fwomajé fondé par le plasticien. Il s’agissait pour Alissia de sortir de sa zone de confort et d’en apprendre plus sur les artistes de la Martinique. « C’est très bien de découvrir un monsieur qui est dans la fleur de l’âge et qui peut nous partager son art. »
De son côté, Anouck, 21 ans est tout ouïe. Diplômée en école d’art, la jeune femme connaissait le travail du plasticien. « Il fait partie du groupe Fwomajé. Pour moi ça a été une grande influence quand bien même je suis plus dans la mentalité d’avancer et faire son chemin en regardant son passé mais toujours en avançant. Il est plus une source base dans notre travail qu’une inspiration absolument copiée. Son influence est introspective et inconsciente sur mon travail. »
Cette main tendue à la jeunesse est un juste retour des choses pour Victor Anicet. « J’ai toujours été aidé par des adultes “. Il estime que la jeunesse devrait se tourner vers ses aînés pour favoriser la transmission même au-delà de l’art.
Laurianne Nomel



