En Martinique, 27 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, un taux près du double de celui observé en France hexagonale. Cette situation résulte de plusieurs facteurs :
•Un coût de la vie exorbitant, accentué par la dépendance aux importations,
•Des inégalités économiques structurelles,
•Un accès limité aux services publics.
Face à cette précarité persistante, les plus démunis s’organisent et se mobilisent pour faire entendre leurs revendications et améliorer leurs conditions de vie.
Mobilisations collectives et contestations sociales : une tradition de lutte
Les mouvements contre la vie chère
Depuis septembre 2024, le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes (RPPRAC) mène des manifestations et des blocages pour réclamer l’alignement des prix alimentaires sur ceux de l’Hexagone.
En Martinique, un panier de courses coûte en moyenne 95 €, contre 57 € en France. Grâce à ces actions, un accord a été obtenu, prévoyant une réduction de 20 % sur certains produits de première nécessité.
Un héritage de grèves et de luttes sociales
Le mouvement de 2009 contre la vie chère en Guadeloupe et en Martinique a marqué l’histoire sociale des Antilles. Mené par le LKP et les syndicats locaux, il a abouti à des avancées sur les salaires et les prix.
Aujourd’hui encore, syndicats et collectifs citoyens poursuivent cette tradition de lutte, dénonçant les écarts de prix et les inégalités persistantes.
Les réseaux associatifs et caritatifs : une solidarité organisée
La Banque Alimentaire de Martinique (BAM)
Chaque année, la BAM redistribue 500 tonnes de denrées à travers 40 associations partenaires (CCAS, Croix-Rouge, Secours Catholique…).
Les épiceries sociales itinérantes
Des initiatives comme Boutik Bô Kay du Secours Catholique permettent aux populations des zones enclavées d’accéder à des produits de première nécessité à moindre coût.
Lutte contre l’isolement des personnes âgées
L’association Les Petits Frères des Pauvres accompagne 55 personnes âgées, grâce à 52 bénévoles qui assurent des visites à domicile et organisent des activités collectives.
Les associations militent également pour une revalorisation du minimum vieillesse, car de nombreux retraités vivent sous le seuil de pauvreté.
Mécanismes institutionnels et initiatives publiques : un soutien encore insuffisant
Les dispositifs gouvernementaux
Le plan France Relance a alloué 1,1 million d’euros en 2022 pour financer 13 projets d’insertion, dont des antennes mobiles d’aide aux jeunes en difficulté.
Le Pacte des Solidarités, doté de 50 millions d’euros pour l’Outre-mer, vise à renforcer l’accès aux droits et à soutenir une transition écologique solidaire.
Des réponses inadaptées face aux défis persistants
La dépendance aux aides sociales est frappante : 47 % des revenus des ménages pauvres proviennent des prestations sociales, révélant une économie fragile où l’emploi ne garantit pas toujours une sortie de la précarité.
La fracture territoriale est également préoccupante :
•Le Nord de l’île concentre 40 % des retraités pauvres.
•L’accès aux services publics y est limité, accentuant l’isolement des populations.
Les revendications des précaires : attentes et solutions proposées
Réduction du coût de la vie et réforme fiscale
Les revendications principales incluent :
•Une réduction de 40 % sur les produits de base, pour aligner les prix sur ceux de la métropole.
•Une réforme de l’octroi de mer, accusé d’augmenter le coût des importations, notamment alimentaires.
•Un contrôle plus strict des marges des distributeurs et une plus grande transparence sur la formation des prix.
Autonomie alimentaire et accès aux soins
Le soutien à l’agriculture locale est une nécessité admise par tous, afin de réduire la dépendance aux importations et créer des emplois.
L’accès aux soins est un autre enjeu majeur : 17 % des Martiniquais renoncent à des soins médicaux, faute de moyens. Le renforcement des aides sociales aux personnes âgées précaires est donc urgent.
Justice sociale et dialogue avec l’État
La CFDT martiniquaise propose une Conférence sociale nationale pour repenser le modèle économique ultramarin.
Des mesures ciblées sont également demandées pour réduire les fractures territoriales, notamment en faveur des zones rurales et du Nord de l’île.
Des mesures suffisantes pour éviter une crise sociale ?
En Martinique, la lutte contre la précarité repose sur les mobilisations sociales, la solidarité associative et les mécanismes institutionnels. Tous ces efforts visent un objectif commun :
Donner une voix aux plus vulnérables et construire une société plus juste et solidaire.
Mais ces mesures, aussi pertinentes soient-elles, suffiront-elles à assurer la paix sociale et éviter une explosion sociale ?
Face à l’urgence, l’État, les élus et la société civile doivent impérativement se pencher sur l’avenir de notre territoire et agir avant qu’il ne soit trop tard.
Gérard Dorwling-Carter



