Ci-dessous, l’intégralité de l’éditorial de l’économiste Michel Branchi, membre du comité national du Parti communiste martiniquais, publié dans la dernière édition du journal Justice. Le lecteur remarquera que le constat de la situation économique et sociale de la Martinique est partagé par l’ensemble des sensibilités de l’opinion. Pourtant, il ne se crée pas de consensus pour que, d’une même voix, l’on œuvre à la résolution des problèmes les plus criants qui nous accablent. Gdc
La France vit une crise de régime qui paraît inextricable. Macron a nommé un nouveau Premier ministre en la personne de Sébastien Lecornu, ancien ministre de la Défense. Il s’est fait connaître surtout comme un acharné partisan de l’hostilité viscérale à la Russie dans la guerre impérialiste otanienne en Ukraine. Il a porté le renforcement sans précédent du budget militaire français à l’horizon 2030.
Va-t-il trouver les compromis nécessaires avec le Rassemblement national et les socialistes pour obtenir le vote du budget 2026 ? Macron ne sera-t-il pas acculé à une nouvelle dissolution et à de nouvelles élections législatives, que l’on dit favorables à l’extrême droite française ?
Et nous, les départements dits d’outre-mer, que devenons-nous ?
Le projet de loi contre la vie chère est en panne, quoi qu’en dise Sébastien Lecornu. Quant à nos débats statutaires, ils sont au point mort : pas d’interlocuteur pour l’heure. Et nos problèmes d’infrastructures criants et urgents — l’eau, les transports, la santé, l’éducation — restent sans réponse.
Sans parler du chômage des jeunes, qui repart à la hausse en Martinique selon le dernier rapport de l’Insee (voir article dans ce numéro). Quant à la pauvreté, elle demeure persistante, surtout parmi nos séniors à l’âge de la retraite. Tant de Martiniquais vivent – ou plutôt survivent – sous le seuil de pauvreté !
Le patronat de la Fedom (fédération des entreprises des DOM), de son côté, s’alarme de la baisse annoncée des exonérations de cotisations patronales et d’une révision restrictive de la défiscalisation des investissements.
Déficit et endettement de la France.
Toutefois, à la fête de l’Humanité, au stand des Nouvelles Étincelles de la Guadeloupe, le PCG et le PCM ont voulu donner un nouvel éclairage sur la question de la décolonisation de nos pays respectifs. Ils ont rappelé avec force et pertinence notre droit à disposer de nous-mêmes. Et cela en dépit de notre statut départemental, qui a la particularité de masquer aux yeux de nombreux Français, même parmi les plus progressistes, le maintien de relations de type colonial avec l’État français, génératrices d’un sous-développement et d’un mal-développement chroniques.
Nous, peuples des pays dits d’outre-mer, vivons une période particulièrement difficile par son caractère éminemment spécifique. La crise de régime en France, accompagnée d’une crise financière sans précédent, ne peut qu’avoir des retombées fort dommageables pour le peuple français. Mais elles seront pires encore pour nous, peuples des DOM, déjà frappés par le mal-développement et la dépendance aux transferts publics de l’État français.
Nous devons donc participer aux luttes en cours en France pour défendre les droits du monde du travail là-bas comme ici, tout en avançant nos revendications propres. Mais n’oublions pas que le combat pour notre émancipation martiniquaise ne saurait être négligé ni relégué au second plan. Car la véritable solution de nos problèmes réside dans la rupture avec le pacte colonial qui demeure, comme l’a montré la lutte contre la vie chère.
Il est d’ailleurs significatif que ce mouvement ait débuté sur une revendication assimilationniste d’alignement des prix sur la France et que ses promoteurs en soient venus à revendiquer une « totale autonomie ». Parcours dialectique déjà mis en lumière jadis par le PCM : la solution des problèmes martiniquais impose l’acquisition d’un pouvoir martiniquais.
Les luttes pour la survie immédiate, d’une part, et celles pour ouvrir les voies de notre avenir, d’autre part, sont intimement liées.
Michel Branchi (15/09/2025)