Le linguiste Alain Bentolila a suscité une vive controverse en 2025 en réagissant aux propos de Jean-Luc Mélenchon, qui avait souhaité qualifier le français de « langue créole ». Derrière la formule provocatrice « le créole n’a rien demandé », Bentolila défend la singularité des langues créoles et dénonce leur instrumentalisation dans les débats politiques.
Mélenchon et le « français créole »
Lors d’un colloque sur la francophonie à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que le français devrait être pensé comme une « langue créole », fruit de métissages culturels et n’appartenant plus uniquement aux Français. Ses propos visaient à souligner la diversité et la plasticité du français dans le monde.
Cette déclaration a provoqué de nombreuses réactions. Alain Bentolila, spécialiste reconnu du français, y a vu une simplification nuisible et un mépris à l’égard des langues créoles, dotées selon lui d’une histoire propre et d’une identité singulière.
Bentolila : respect des langues créoles, rejet de leur instrumentalisation
« Le créole n’a rien demandé », a-t-il lancé, pour dénoncer l’usage politique du créole comme simple symbole. Selon lui, les créoles ne sauraient être confondus avec le français ou noyés dans l’indistinction. Ils sont des langues de lutte et d’émancipation, comme le créole haïtien devenu langue nationale à la faveur de l’indépendance.
Bentolila insiste en parallèle sur le rôle du français comme langue de cohésion nationale et de précision intellectuelle. « Faire de la langue française une langue créole témoigne d’une ignorance crasse de ce que sont les créoles mais c’est aussi refuser de considérer l’histoire de notre langue, longuement forgée par son peuple et portée par la volonté de la cohérence nationale », a-t-il affirmé.
Polémique et réactions
Ses prises de position ont été abondamment relayées. Des médias comme Marianne, Causeur ou Le Figaro ont soutenu sa critique de l’instrumentalisation du créole par Mélenchon, quand d’autres, comme Mediapart ou des collectifs de linguistes, lui ont reproché une vision conservatrice et académique, peu ouverte au métissage linguistique.
Politiquement, la droite a salué ses propos comme un rempart contre ce qu’elle considère être une « déconstruction » de l’identité nationale. À gauche, en revanche, plusieurs voix ont dénoncé un frein à la reconnaissance des langues minoritaires et à la valorisation de la diversité.
Une question de cohésion et d’insécurité linguistique
Au-delà de la polémique, Bentolila a rappelé un de ses thèmes récurrents : l’insécurité linguistique en France. Selon lui, plus d’un jeune sur dix sort de l’école sans maîtrise suffisante de la langue, ce qui compromet son avenir. Il en conclut que la défense du français reste une condition d’égalité, de cohésion sociale et d’émancipation intellectuelle.
Un débat toujours polarisé
La controverse de 2025 illustre une tension ancienne : comment concilier la reconnaissance des langues régionales et créoles, porteuses d’identité et de mémoire, avec le rôle du français comme langue commune ? Entre ouverture au métissage et crainte de dilution, la question reste au cœur des débats sur la place de la langue dans la République.
Jean-Paul Blois