Chilienne de naissance, Bretonne d’adoption et Martiniquaise de cœur, Léonore Lopez, alias Lé O Perchée, s’apprête à représenter la France et la Martinique aux prochains Championnats du Monde de disciplines aériennes (POSA WAAC) en Italie. Kinésithérapeute de formation, artiste autodidacte, mère, créatrice de ses propres agrès et costumes, elle raconte son parcours singulier où passion, discipline et persévérance se mêlent. Rencontre avec une femme qui vit littéralement la tête dans les étoiles, et les pieds bien ancrés dans son île.

Vous êtes Chilienne de naissance, Bretonne d’adoption et Martiniquaise de cœur. Pouvez-vous nous raconter ce parcours de vie qui vous a mené jusqu’en Martinique ?
Je suis née au Chili et j’y ai vécu jusqu’à mes cinq ans. Ma mère a décidé de quitter le pays seule avec ses 2 enfants pour raisons familiales et médicales, et nous nous sommes installés en Bretagne, à Vannes. Une bonne partie de ma famille y est encore aujourd’hui. J’y ai passé mon enfance et mon adolescence, puis suivi des études de kinésithérapie à Nantes.
En 2016, j’ai eu l’opportunité de venir en Martinique pour un remplacement. Je n’avais pas de date de retour, et dès mon arrivée au Carbet, j’ai eu un véritable coup de foudre pour l’île, ses habitant.es, ses paysages, ses couleurs, sa musique. Très vite, j’ai compris que je voulais y construire ma vie. J’y ai trouvé un équilibre, une énergie et une inspiration qui ne m’ont jamais quittée.
Comment est née votre passion pour le cirque aérien et la danse enflammée ?
Depuis toujours, je suis sportive. Au lycée, j’ai choisi l’option cirque et c’est là que j’ai découvert les arts aériens, la jonglerie, le monocycle… J’ai adoré, mais à l’époque, je n’imaginais pas du tout en faire un métier. Mon objectif était clair : devenir kinésithérapeute.
C’est seulement en Martinique que ma passion a réellement pris son envol. Un ami m’a parlé d’une association locale, Lézard Ti Show, et j’ai commencé à m’entraîner avec eux. À défaut de salle adaptée, je me suspendais… aux cocotiers ! Petit à petit, le bouche-à-oreille a fonctionné, j’ai été invitée à faire des démonstrations, puis des spectacles. En 2018, j’ai décroché mes premiers engagements rémunérés. Tout s’est enchaîné à partir de là.

En moins d’un an, vous êtes passée de championne de France à finaliste mondiale. Qu’est-ce qui explique une telle ascension ?
Il n’y a pas de secret : du travail, énormément de travail. J’ai 10 ans de pratique du tissu aérien depuis 2010, et je n’ai cessé de m’entraîner depuis mon accouchement en 2021. Je consacre plusieurs heures par semaine à ma préparation, entre le renforcement au sol, la préparation spécifique, les entraînements et les cours que je donne. On parle souvent de « don », mais pour moi, c’est avant tout de la discipline et de la persévérance.
Aux Championnats du Monde de 2024 à Athènes, j’ai décroché la médaille de bronze au cerceau et une 5ᵉ place en tissu. Ce résultat m’a galvanisée. Cette année, je suis sélectionnée dans la catégorie élite, et cela me pousse à me préparer encore plus intensivement.
Vous êtes à la fois artiste, mère et créatrice de vos propres agrès et costumes. Comment conciliez-vous toutes ces vies ?
C’est un équilibre délicat à trouver, mais c’est aussi ce qui me rend fière. Je réalise certains de mes costumes et agrès; je suis d’ailleurs actuellement en formation couture pour pouvoir progressivement confectionner plus de costumes. Cela demande beaucoup d’énergie, mais c’est une manière de donner une identité unique à mes performances.
Être mère ajoute une dimension supplémentaire. Je veux que mon fils grandisse en voyant que tout est possible avec de la volonté. Je suis énormément soutenue par mon compagnon, ce qui rend cette aventure plus humaine et plus forte.

C’était une expérience incroyable. Monter sur scène, représenter la France et la Martinique, sentir le regard du public et des juges… J’ai ressenti autant de fierté que de pression. J’ai aussi vu mes marges de progression : certaines figures et exécutions peuvent être améliorées. Mais cette petite frustration m’a donné une énergie nouvelle. J’ai compris que je pouvais aller encore plus loin.
Représenter la Martinique sur une scène mondiale, c’est aussi un défi logistique et financier. Comment gérez-vous cet aspect ?
C’est probablement la partie la plus difficile. Rien n’est pris en charge : les billets d’avion, l’hébergement, les frais d’inscription, la tenue officielle… Tout est au frais des athlètes. Tout repose sur mes propres ressources, avec l’aide de mon entourage et des personnes qui me soutiennent.
C’est pour cela que j’ai lancé une cagnotte participative sur Tribee. J’ai estimé mes frais à environ 2000 euros pour couvrir le voyage, le matériel, et un peu de coaching supplémentaire. Chaque contribution, même modeste, fait une énorme différence.
Le public martiniquais vous voit aussi sur scène, lors de spectacles et d’événements. Quelle est sa réaction ?
Le public martiniquais est extraordinaire. Je sens une vraie énergie circuler entre moi et les spectateurs. Quand je monte dans les airs, quand je danse avec le feu, il y a comme une magie qui opère. J’ai toujours reçu un accueil chaleureux, des retours positifs. C’est ce qui me fait vibrer.
Mais je ne m’endors pas sur mes lauriers. Je cherche sans cesse à innover, à créer de nouvelles figures, à enrichir mes costumes, à explorer d’autres techniques. Mon objectif est de surprendre et d’émouvoir encore, ici, chez moi, avant de briller à l’international.

Aujourd’hui, vous êtes sélectionnée en catégorie élite pour les Championnats du Monde 2025. Que représente cette consécration pour vous ?
C’est un défi immense, mais aussi une récompense pour toutes ces années de travail. Je sais où je dois progresser, je connais mes forces et mes faiblesses, et je me prépare avec sérieux.
Au-delà du sport, je veux transmettre un message : souvent, nos seules limites sont celles que nous nous imposons. Le ciel est assez vaste pour que chacun trouve sa place et brille à sa manière. On n’a pas besoin d’écraser les autres pour exister. Mon parcours est une invitation à persévérer, à rêver grand et à croire en sa propre lumière.
Vous avez lancé une cagnotte participative, mais au-delà des particuliers, que souhaitez-vous dire aux chefs d’entreprises pour les inciter à vous soutenir ?
Je voudrais leur dire qu’ils ne financent pas seulement un voyage ou une performance individuelle. En m’aidant, ils contribuent à faire rayonner la Martinique et la France sur une scène mondiale. Chaque logo, chaque partenariat, chaque soutien est une manière de montrer que nos entreprises locales croient au talent, à l’audace et à l’excellence. C’est aussi un investissement en image : associer son nom à un projet artistique et sportif, c’est véhiculer des valeurs de créativité, de discipline et de dépassement de soi. J’ai envie de leur dire que ce n’est pas « mon » aventure, mais une aventure collective où chacun peut prendre part et en être fier.
👉 Pour soutenir Lé O Perchée dans sa préparation et son voyage aux Championnats du Monde 2025 :
Cagnotte Tribee – LÉ O PERCHÉE POSA WORLD AERIAL ART CHAMPIONSHIP 2025









