Bien loin de n’être qu’une simple députée du Val-de-Marne, Maud Petit s’est distinguée par son engagement en faveur des Outre-mer. Durant ses deux mandats, cette Martiniquaise a su se distinguer par une vision inclusive et un engagement profond envers les différents types d’enjeux. Ayant aujourd’hui retrouvé son siège à l’Assemblée Nationale, elle compte bien poursuivre ses actions en tant que voix influente pour les Outre-mer.
Pendant votre premier mandat de 2017 à 2022, quelles actions avez-vous menées en faveur des Outre-mer et quels résultats concrets en avez-vous tirés ?
Pendant mon premier mandat de 2017 à 2022, j’ai eu l’opportunité de m’investir pleinement sur les questions ultramarines, notamment grâce à mon rôle de vice-présidente de la délégation Outre-mer à l’Assemblée nationale. Cette position m’a permis de participer à de nombreuses auditions et de travailler sur deux rapports majeurs concernant les Outre-mer. Le premier rapport portait sur les discriminations en Outre-mer. Pour ce projet, je me suis rendue à Mayotte et en Martinique afin de mieux comprendre les problématiques locales. Les rapports que nous avons rédigés sont accessibles sur le site internet de l’Assemblée nationale et contiennent des recommandations importantes pour améliorer la situation. Ces recommandations peuvent servir de base pour des amendements ou même pour rédiger de nouvelles propositions de loi. Ensuite, j’ai collaboré avec Jean-Philippe Nilor sur une mission traitant du lien entre le sport, l’activité physique et la santé en Outre-mer. Nous avons choisi de nous rendre en Polynésie, un territoire où la délégation ne s’était jamais rendue auparavant. Là-bas, j’ai pu constater un taux d’obésité élevé et explorer les mesures mises en place pour lutter contre ce problème.
Les informations recueillies ont permis de formuler des solutions applicables à l’ensemble des territoires ultramarins et même à toute la population française. Malheureusement, lors de mon deuxième mandat, qui a duré deux ans, je n’ai pas pu occuper de poste au bureau de la délégation Outre-mer en raison de la forte présence des députés de la NUPES. Néanmoins, j’ai continué à travailler sur des sujets qui me tenaient à cœur, comme les injustices subies par les enfants amérindiens en Guyane et les conséquences des essais nucléaires en Polynésie. De plus, j’ai collaboré avec Johnny Hajjar sur la loi proposée par Catherine Conconne concernant les cinémas et leur programmation, un projet qui a finalement été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
Quel est votre avis sur le fait que le Rassemblement National ait réalisé un gros score en Outre-mer ?
“C’est un signal fort envoyé au Président de la République pour exprimer un sentiment de négligence.”
Beaucoup de gens ont voté pour le Rassemblement National non pas par adhésion aux idées du parti, mais pour montrer leur mécontentement face à ce qu’ils perçoivent comme un manque d’attention de la part du gouvernement. Il faut comprendre que le discours du RN, notamment de Marine Le Pen et Jordan Bardella, envers les Outre-mer est séduisant mais intéressé. Leur stratégie consiste à conquérir un électorat plus large en Outre-mer pour renforcer leur pouvoir. Il est crucial de rappeler à la population les conséquences potentielles de ce choix politique.
Comment envisagez-vous de renforcer et de valoriser l’expertise des territoires ultramarins en métropole, particulièrement en ce qui concerne les défis sociétaux et environnementaux auxquels la France fait face ?
Il est important que les formations républicaines prêtent une oreille attentive aux besoins et aux propositions des territoires ultramarins. Paris et l’Hexagone ont tendance à considérer que les Outre-mer nécessitent surtout des aides financières, négligeant souvent les propositions et l’expertise locale. Par exemple, avec le changement climatique, la métropole commence à rencontrer des conditions tropicales, y compris des maladies véhiculées par des moustiques, ce qui est une réalité depuis longtemps en Outre-mer. Les territoires ultramarins possèdent une expertise précieuse en la matière, mais elle est rarement sollicitée.De nombreuses problématiques sociétales observées en Outre-mer, comme la prévalence des familles monoparentales, sont maintenant de plus en plus courantes dans le reste de la France. Les politiques publiques parisiennes gagneraient à s’inspirer des solutions développées en Outre-mer et à collaborer avec les acteurs locaux pour mieux répondre aux défis actuels.
7 français hexagonaux sur 10 ne se sentent pas concernés par les problématiques liés à l’Outre-mer selon un baromètre établi à Bourges par l’UNCCAS (Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale). En tant qu ‘ultramarine, quelles sont vos solutions afin d’y remédier ?
C’est un phénomène que j’observe régulièrement. Lorsque des collègues ultramarins prennent la parole pour défendre certaines positions, ils sont souvent perçus comme se plaignant excessivement. Cette méconnaissance des enjeux ultramarins est compréhensible : on a du mal à appréhender ce que l’on ne connaît pas. Pour remédier à cette situation, il est crucial de sensibiliser et d’informer de manière pédagogique et non agressive. Par exemple, j’ai pu convaincre un collègue agriculteur de l’importance de lutter contre les pesticides en lui expliquant les conséquences désastreuses du chlordécone aux Antilles. Une fois informé, il a non seulement compris, mais aussi soutenu les initiatives législatives sur ce sujet.
La délégation Outre-mer à l’Assemblée nationale et au Sénat offre également une plateforme précieuse pour favoriser ces échanges. Les élus non ultramarins peuvent y siéger, apprendre et contribuer à des discussions constructives sur les problématiques ultramarines. Enfin, je suis convaincue que l’enseignement et l’intégration des spécificités ultramarines dans les politiques nationales permettraient de mieux valoriser ces territoires. Plutôt que de créer une commission spécifique Outre-mer, il serait plus judicieux d’intégrer les sujets ultramarins dans les différentes commissions existantes, car les enjeux ultramarins sont souvent transversaux et touchent de nombreux domaines.
Vous avez beaucoup travaillé sur les problématiques liées à la vie chère en Outre-mer, notamment avec Johnny Hajjar. Quelles sont vos perspectives à présent pour continuer à lutter face à ce problème ?
J’ai énormément collaboré sur ce sujet, et il faut reconnaître le travail conséquent de Johnny Hajjar, notamment lorsqu’il a demandé la création d’une commission d’enquête sur le coût de la vie en Outre-mer. Les résultats de cette commission ont montré que la problématique ne peut pas être résolue par une seule mesure. L’un des principaux défis est la réforme de l’octroi de mer. Bien que cette taxe soit une source importante de revenus pour les collectivités locales, elle contribue paradoxalement à l’augmentation du coût de la vie. Il est essentiel de revoir son application, notamment sur les productions locales, pour que cette taxe ne devienne pas un fardeau supplémentaire.
Cependant, le problème est complexe et implique de nombreux acteurs à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement, chacun prenant une petite marge. Du producteur initial au distributeur final, en passant par les transporteurs et les grossistes, chaque étape ajoute des coûts.
“C’est cette accumulation de petites marges qui conduit à des prix exorbitants. Ainsi, pour réellement baisser le coût de la vie en Outre-mer, il faut une approche globale et coordonnée qui implique tous ces acteurs.”
Bien que les solutions ne soient pas simples et nécessitent un effort collectif, une révision de l’octroi de mer et une meilleure régulation des marges dans la chaîne d’approvisionnement sont des étapes cruciales pour avancer dans ce domaine.
Propos recueillis par Thibaut Charles