Par leur éloignement des grandes puissances nucléaires, les Antilles françaises semblent en marge d’un conflit atomique mondial. Mais leur statut géopolitique et la présence militaire sur place pourraient les exposer indirectement à certains risques.
Fort-de-France, août 2025
Alors que les tensions internationales s’intensifient entre plusieurs puissances dotées de l’arme nucléaire – notamment les États-Unis, la Chine et la Russie –, la question de la sécurité des territoires ultramarins, et en particulier des Antilles, prend une dimension nouvelle. Loin des grandes capitales militaires, les îles de la Caraïbe sont-elles pour autant à l’abri d’un conflit atomique de grande ampleur ?
Un éloignement stratégique… rassurant à première vue
La Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin ou Saint-Barthélemy se situent à des milliers de kilomètres des grandes métropoles nucléaires mondiales : Washington, Moscou, Pékin, Londres ou Paris. Dans l’hypothèse d’une guerre nucléaire ciblée, les premières frappes viseraient logiquement les centres urbains stratégiques, les bases militaires continentales, et les infrastructures industrielles majeures.
À cet égard, les Antilles apparaissent comme des zones périphériques, loin des lignes de front, épargnées par les premières vagues de destruction. Aucun arsenal nucléaire n’est déployé localement, et les populations n’ont pas, à ce jour, été intégrées à des dispositifs de protection civile spécifiques liés à une attaque atomique.
Une présence militaire française
Mais cet isolement apparent doit être relativisé. En tant que territoires de la République française, les Antilles sont sous souveraineté d’un État membre du club nucléaire, signataire du traité de non-prolifération mais doté d’une dissuasion autonome. La Martinique abrite notamment : Le commandement supérieur des forces armées aux Antilles (COMSUP), une base navale à Fort-de-France, le RSMA et d’éléments des forces de sécurité intérieure.
Ces éléments pourraient, dans une logique d’affaiblissement des relais de puissance française, devenir des cibles secondaires. Dans un scénario de guerre totale, même les territoires dits périphériques pourraient être visés dans un second temps, non pour leur valeur stratégique intrinsèque, mais pour leur valeur symbolique et logistique.
Des vents favorables, mais un climat global menacé
Un autre facteur de sécurité réside dans les conditions climatiques dominantes. Les alizés d’est qui soufflent sur les Antilles réduisent le risque de retombées radioactives venues d’Europe, d’Amérique du Nord ou d’Asie, en cas de frappes concentrées sur l’hémisphère nord.
Mais cela ne signifie pas que les Antilles échapperaient aux effets globaux d’un conflit nucléaire mondial :
– Hiver nucléaire, baisse des températures et perturbations agricoles mondiales ;
– Contamination des océans par les dépôts radioactifs ;
-Choc économique planétaire sur les chaînes d’approvisionnement.
Même sans impact direct, les effets secondaires pourraient bouleverser profondément la vie dans les territoires insulaires.
Une position géopolitique qui peut devenir sensible
Enfin, la mer des Caraïbes, longtemps considérée comme une « arrière-cour » stratégique des États-Unis, redevient un espace d’enjeux. Si un conflit venait à impliquer l’Amérique latine (via une alliance, un basculement géopolitique ou l’installation de bases étrangères), les Antilles françaises pourraient être perçues comme des avant-postes de l’OTAN ou des zones d’appui logistique.
Le précédent historique de la crise des missiles de Cuba (1962) rappelle que la Caraïbe peut redevenir un théâtre de confrontation indirecte entre grandes puissances.
Une sécurité relative, mais pas absolue
En résumé, les Antilles disposent d’un avantage géographique indéniable en cas de guerre nucléaire : leur éloignement des centres de pouvoir en fait des zones marginales au regard des cibles prioritaires. Cependant, leur statut politique, leur environnement militaire, et leur intégration dans les logiques globales de défense les exposent à des risques collatéraux.
La question de leur sécurité en cas de conflit mondial ne peut donc être abordée sans une réflexion plus large sur le rôle des Outre-mer dans la stratégie de défense nationale, et sur la capacité des autorités locales à anticiper et gérer une crise planétaire.
Un abri relatif ne signifie pas une immunité. En matière nucléaire, aucune région du monde ne peut véritablement se prétendre hors d’atteinte.