C’est à juste titre que le récent arrêt du tribunal correctionnel de Paris a causé de l’émoi.
Le condamné est ancien Président de la République; le tribunal indique que le document qui a déclenché l’ affaire est probablement un faux; qu’il n’a trouvé ni preuve de corruption, ni trace de fonds libyens dans la campagne électorale de l’intéressé.
Mais le tribunal condamne l’ancien président à cinq années d’emprisonnement , sur la base d’entretiens de collaborateurs dont le supposé contenu peut être caractéristique d’une association de malfaiteurs.
Ce jugement ne viole aucune loi.
Mais, en ordonnant l’exécution immédiate de la peine, sans attendre la décision de la Cour d’appel, il proclame urbi et orbi qu’en France, le pouvoir des juges ne s’embarrasse ni de l’esprit des lois, ni du rang des élus, si haut placés qu’ils soient, en particulier s’ils ne sont pas du bon côté idéologique.
Rappelons qu’il ne s’agit pas d’une première: d’autres élus, tels Bernard Tapie, Jérome Cahuzac, Jacques Chirac, Alain Juppé ou François Fillon ont fait l’objet de condamnations, certes moins rudes, mais significatives.
Il y a une autre donnée, pourtant fondamentale et peu évoquée dans ce débat:
la classe politique française, toutes tendances confondues, ne mérite-t-elle pas d’être réellement jugée, voire quelque peu bousculée par des tribunaux libres de tout préjugé autre que la devise de la République, et jugeant au nom du peuple souverain dont politiques et juges sont censés améliorer le sort?
Cette classe politique, qui dirige les 6 millions de fonctionnaires et para-fonctionnaires, n’a-t-elle pas largement trahi sa mission?
Comparativement aux autres pays de l’OCDE, la France des 30 dernières années ne cesse de perdre du terrain dans des domaines essentiels, en violant la Constitution et les lois qu’elle a elle-même votées, et les traités qu’elle a signés.
le chômage, qui est le mal essentiel; l’insécurité; la santé; l’enseignement; la dépendance économique; le surendettement financier; la délinquance des mineurs; les rémunérations scandaleusement élevées à l’intérieur du secteur public; l’inefficacité des services publics; l’empilement volontaire des collectivité territoriales; le non-respect des engagements internationaux; la négligence vis à vis des territoires ultra-marins; le quasi-abandon de la recherche publique, cause certaine de futures dépendances; etc. etc…autant de plaies béantes au flanc de la crédibilité du monde politique, qui provoquent des souffrances plus graves que les jugements des tribunaux.
Les électeurs, égarés par les informations biaisées ou carrément mensongères reçues depuis l’école jusqu’à l’Université, en passant par les médias publics et privés, les partis politiques et les réseaux sociaux, votent dans l’incompréhension totale des véritables enjeux et renvoient inlassablement au pouvoir de nombreux élus peu avertis des dossiers et dont l’horizon s’arrête volontiers à la prochaine élection.
Loin de tout populisme, la décision du tribunal correctionnel de Paris d’incarcérer un ancien Président de la République soulève toutes ces questions.
Respectée dans le monde entier jusqu’au début des années 1970, la France fait aujourd’hui figure de grand corps malade.
Au-delà de la bataille en cours entre le monde politique et le monde judiciaire, c’est l’avenir de la démocratie française qui est, maintenant, clairement, en jeu.
Comme, en 1789, l’avenir de la monarchie.
MANMAY, AN NOU GADÉ DOUVAN.