Alors que la guerre en Ukraine s’enlise et que les incertitudes transatlantiques s’intensifient, l’Union européenne connaît, depuis 2021, une montée en puissance militaire sans précédent. Longtemps accusés de sous-investissement chronique, les États membres ont entamé un réarmement rapide qui bouleverse l’équilibre stratégique du continent.
Une croissance budgétaire inédite depuis la fin de la guerre froide
Selon les données consolidées, les dépenses militaires combinées de l’UE-27 ont progressé de manière spectaculaire :
— €218 milliards en 2021 (1,2 % du PIB)
— €240 milliards en 2022 (+10 %)
— €279 milliards en 2023 (+16 %)
— €343 milliards en 2024 (+23 %, 1,9 % du PIB)
— entre €381 et €392 milliards en 2025 (projection, 2,1 % du PIB)
En trois ans, la hausse atteint +57 % en termes réels, un bond qui témoigne d’un changement de paradigme.
Un horizon à 3,5 % du PIB : un saut budgétaire colossal
L’objectif désormais évoqué par plusieurs capitales serait de porter les dépenses militaires nationales à 3,5 % du PIB d’ici 2035. Pour y parvenir, les États membres devraient augmenter collectivement leurs budgets de €254 milliards supplémentaires, portant l’effort total annuel à environ €635 milliards.
Des trajectoires nationales contrastées, mais convergentes vers un même cap
L’effort n’est pas uniforme, mais le mouvement est général. L’Allemagne a créé un fonds spécial de €100 milliards ; la France vise également 3,5 % ; la Pologne pourrait atteindre 4,7 % dès 2025 ; l’Italie et l’Espagne rattrapent leur retard. Les États baltes dépassent déjà les 3 % du PIB.
Une mobilisation financière européenne qui change d’échelle
Pour accompagner cet effort, l’Union a déployé une architecture budgétaire inédite :
— Readiness 2030 / ReArm Europe : €800 milliards
— SAFE : €150 milliards
— EDF : €8 milliards
— EDIRPA : €310 millions
— EPF : €17 milliards
— EDIP : €1,5 milliard à partir de 2028
— BEI : €3,5 milliards/an
Un paysage mondial profondément asymétrique
Malgré cet effort remarquable, l’Europe reste loin derrière les États-Unis (€845 milliards). La Russie consacre environ €234 milliards en PPA, et la Chine près de €250 milliards. L’Europe commence seulement à combler un déficit capacitaire accumulé depuis trente ans.
Un tournant stratégique sans retour en arrière
Trois facteurs accélèrent cette transformation : la guerre en Ukraine, l’incertitude liée à la présidence Trump, et la pression militaire russe. Deux dynamiques structurent ce réarmement : la reconstitution des capacités opérationnelles et la quête d’autonomie stratégique fondée sur une industrie européenne renforcée.
Jean-Paul BLOIS



