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Les hommages se succèdent pour célébrer le centenaire de Frantz Fanon. Encore largement méconnu dans l’Hexagone, ce psychiatre martiniquais et résistant a pourtant marqué l’histoire de la pensée anticoloniale en publiant trois livres, devenus des classiques. II y dénonce avec force les effets destructeurs du racisme et de la colonisation, dévoilant la mécanique de déshumanisation à l’œuvre des deux côtés du rapport de domination. Un travail que son centenaire remet dans la lumière.
Frantz Fanon aurait eu 100 ans cette année. Et pourtant, son nom demeure souvent méconnu du grand public, malgré l’empreinte intellectuelle et politique qu’il a laissée au XXe siècle. Voici un bref résumé de sa courte vie — il est mort à l’âge de 36 ans d’une leucémie.
Né en 1925 en Martinique, il fut d’abord médecin psychiatre avant de devenir l’un des penseurs les plus incisifs de la lutte anticoloniale. À travers ses écrits, il n’a cessé d’analyser les ravages psychologiques du colonialisme, autant sur les colonisés que sur les colonisateurs, avec un objectif qui dépassait le cadre politique : guérir les blessures de l’humanité tout entière.
Il a laissé derrière lui des textes importants, à l’image de Peau noire, masques blancs, publié au Seuil en 1952, ou Les Damnés de la Terre, paru quelques jours avant sa mort, en 1961, aux éditions Maspero.
Un film boycotté ?
À l’occasion de son centenaire, les hommages se sont succédé. Au cinéma d’abord, avec un biopic sobrement intitulé Fanon, réalisé par Jean-Claude Flamand-Barny. L’œuvre cinématographique est centrée sur son parcours en Algérie, où il a exercé en tant que chef de service psychiatrique pendant la guerre.
Dans le contexte colonial, ses méthodes novatrices suscitent des critiques, et il élabore peu à peu une réflexion sur le colonialisme, qu’il transforme en une dénonciation de l’idéologie coloniale française à l’œuvre en Algérie.
Le film, sorti le 2 avril 2025 dans l’Hexagone, n’a été programmé que dans 70 salles la première semaine, dont à peine quatre à Paris et aucune dans les cinémas d’art et d’essai parisiens réputés. Cette sous-exposition a suscité des interrogations dans le milieu. Nicolas Tran Trong, chef monteur de Fanon, s’était exprimé à ce sujet dans les colonnes de Libération : « Je suis juste stupéfait de ce boycott. »
On notera également la sortie en salle d’un second film consacré à Frantz Fanon, le 23 juillet dernier. Réalisé par Abdenour Zahzah, il revient sur les premières années du penseur en Algérie, lorsqu’il exerce comme médecin-chef à l’hôpital de Blida-Joinville à partir de 1953.
Le film met en lumière sa détermination à dénoncer le racisme institutionnel au sein du corps médical français, et son engagement pour une psychiatrie nouvelle, plus humaine, attentive aux réalités culturelles des patients algériens.
Caraïbéditions se met au manga
Côté littérature, Caraïbéditions a inauguré sa collection de manga avec le visage de Franz Fanon. Frantz Fanon, les couleurs du combat retrace ainsi l’histoire de ses luttes, de son engagement dans les Forces françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale au rôle crucial qu’il a joué dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, pays qui émet cette année un timbre à l’effigie du militant anticolonialiste.
Depuis le 20 juillet 2025, les librairies proposent aux lecteurs et lectrices de découvrir le travail d’Olivier Mery, qui a construit le scénario, et de Daniel Fernandes de Almeida, qui a créé le dessin. Cette fois-ci, l’existence de Fanon est abordée différemment, depuis l’enfance de l’écrivain en Martinique. Ils racontent son arrivée dans les Forces françaises libres, sa vie au Maroc, en Algérie et en France, où il découvre le racisme et travaille sur la lutte anticoloniale.

Le non de Fanon, en dix épisodes
Outre‑mer La Première, le réseau de chaînes radio-télévision appartenant à France Télévisions et diffusé dans les territoires d’outre-mer français, a également ajouté sa pierre à l’édifice. Le réseau lui consacre ainsi une série de podcasts entière, intitulée « Le non de Fanon » : portrait d’une figure majeure du XXe siècle.
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Conçue par Aude-Émilie Judaïque, racontée par Forbon N’Zakimuena et produit par wave.audio, cette série en dix volets propose un regard synthétique sur le parcours de Frantz Fanon. Chaque épisode, d’une durée de cinq minutes, explore un aspect distinct de son itinéraire : de ses origines martiniquaises à son engagement contre le nazisme, en passant par ses études, son œuvre et l’émergence de sa pensée politique. Pour les écouter, rendez-vous à cette adresse.
Crédits image : Frantz Fanon à une conférence de presse réunissant des écrivains à Tunis, par un auteur inconnu, domaine public
Par Louella Boulland
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