La Martinique vit une situation paradoxale. Pleinement européenne en tant que Région ultrapériphérique (RUP), elle est en même temps entourée d’États caribéens signataires de l’Accord de partenariat économique (APE) CARIFORUM–UE. Ces derniers bénéficient d’un accès préférentiel au marché européen, tandis que la Martinique, bien qu’étant RUP, ne dispose d’aucune autonomie pour négocier sa propre politique commerciale.
Un frein pour notre développement
Cette asymétrie nourrit plusieurs dynamiques bloquantes :
• L’exode économique : la fuite des cerveaux
• La perte de compétitivité : nos filières agricoles et industrielles sont fragiles
• La marginalisation régionale : au cœur des flux caribéens, la Martinique demeure spectatrice des dynamiques commerciales
Une opportunité à saisir
Mais ce statut hybride peut devenir une force stratégique si nous savons en tirer parti. La Martinique peut être :
• Un hub logistique et commercial pour les flux APE (ports, aéroports, zones franches douanières comme interface).
• Une plateforme de normalisation européenne, pour accompagner la mise aux normes des produits de la Grande Caraïbe.
• Un pôle de services (juridiques, financiers, numériques, ingénierie douanière) facilitant l’accès des entreprises caribéennes au marché européen, et des entreprises martiniquaises au marché Caribéen.
Ce que le Congrès des élus doit revendiquer
Pour transformer ce paradoxe en levier, le Congrès des élus doit poser des exigences claires :
1. Obtenir un pouvoir normatif autonome permettant d’adapter nos règles économiques et commerciales aux réalités régionales. L’article 73 de la Constitution française ne suffit pas : il n’accorde qu’un pouvoir d’adaptation limité. La Martinique doit revendiquer un statut sui generis, qui lui donne la capacité d’édicter ses propres normes.
2. Accéder directement aux financements APE/UE (accompagnement, formation, recherche-développement), sans dépendre exclusivement de Paris ou Bruxelles.
3. Assurer une représentation institutionnelle martiniquaise dans les instances de suivi de l’APE, en tant que RUP européenne et membre associé de la CARICOM.
4. Créer une Zone Franche Douanière et Industrielle, dotée d’une fiscalité adaptée, pour attirer les investissements liés à l’APE et renforcer la compétitivité locale.
La Martinique ne peut plus rester une simple périphérie européenne dans son propre bassin régional. Entre l’UE et le CARIFORUM, nous devons devenir acteur central : un pont économique, logistique et culturel, avec le pouvoir normatif autonome nécessaire pour transformer notre double appartenance en levier de développement.
Traduction de l’article de la CARICOM relatif aux Accords de partenariat économique UE – CARIFORUM :
Programme d’appui – Suivi des progrès dans la mise en œuvre de l’APE au sein des États du CARIFORUM
(Cariforum Directorate, Secrétariat de la CARICOM, Turkeyen, Greater Georgetown, Guyana) – Les États du CARIFORUM poursuivent régulièrement leurs travaux dans le cadre du programme d’appui au CARIFORUM pour la mise en œuvre effective de l’Accord de partenariat économique CARIFORUM-UE (APE), de coordination régionale sur le commerce et de coopération avec l’Union européenne.
Ce programme prévoit que les coordinateurs nationaux APE se réunissent tous les trimestres afin, entre autres, de suivre l’application de l’APE. La plus récente mise à jour a été présentée lors de la 13ᵉ réunion des coordinateurs nationaux APE et des responsables d’unités de mise en œuvre, organisée en ligne le jeudi 11 septembre.
La réunion, présidée par l’Ambassadeur Dr Gerard Jean-Jacques, Ambassadeur du Commonwealth de la Dominique auprès de la CARICOM et Commissaire auprès de l’OECS, a permis aux responsables d’évaluer les lacunes dans la mise en œuvre et de déterminer la voie à suivre.
Dans ses remarques d’ouverture, l’Ambassadeur a souligné que ce type de réunion visait à examiner les étapes de mise en œuvre de l’APE et à définir les prochaines étapes pour approfondir la coopération. La Directrice générale du CARIFORUM, Alexis Downes-Amsterdam, a abondé en ce sens et rappelé aux responsables l’importance de maintenir le cap sur les dispositifs de mise en œuvre.
Les participants ont fait état des mesures prises pour combler les lacunes et se sont accordés sur des actions concrètes pour la période à venir. Un compte rendu a également été présenté sur la réunion inaugurale du Comité directeur du Programme d’appui, tenue le 25 juin 2025, avec un focus sur les résultats de cette session et la nécessité de garantir que le programme contribue de manière significative à la mise en œuvre de l’APE et, plus largement, aux efforts régionaux en matière de commerce et de coopération.
Les participants ont enfin insisté sur la nécessité de traiter les questions en suspens et de poursuivre le travail en partenariat avec l’UE afin d’assurer une application fluide et efficace de l’Accord.