En 2024, le secteur du bâtiment en Martinique traverse une année difficile. Selon le bilan économique 2024 publié par l’Insee, les ouvertures de chantiers s’effondrent, l’emploi salarié recule et le chômage repart à la hausse. Dans un climat social marqué par les mobilisations contre la vie chère, le BTP illustre plus que jamais la fragilité de l’économie martiniquaise.
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Des chantiers en net ralentissement
Le recul est brutal : seulement 1 500 ouvertures de chantiers ont été déclarées en 2024, contre 2 000 l’année précédente, ce qui représente une baisse de 24 %. Cette chute marque un retour aux niveaux observés avant la crise sanitaire, après une brève reprise dans les années 2021 et 2022.
Si le nombre de permis de construire reste stable à 2 200 autorisations, la répartition évolue. Les logements collectifs progressent de plus de 10 % et représentent désormais 57 % des autorisations, tandis que l’habitat individuel recule de 11 %. Cette transformation structurelle reflète une tendance nationale, mais elle est particulièrement marquée en Martinique où l’offre de logements individuels se raréfie.

Le logement social apporte une contribution positive avec 512 nouveaux logements, ce qui porte le parc locatif à 35 441 unités au 1er janvier 2024. Cela représente une hausse de 1,5 % en un an. Néanmoins, cette dynamique reste trop limitée pour compenser le ralentissement global du secteur.
La situation est encore plus préoccupante pour les locaux d’activité non résidentiels. Les surfaces autorisées chutent à 71 000 mètres carrés, contre 163 000 en 2023, soit un effondrement de près de 57 %. Tous les segments reculent : le commerce diminue de 47 %, les entrepôts de 41 %, l’agriculture de 54 %, et l’hébergement hôtelier est quasiment à l’arrêt avec une baisse de 97 %.
Seule l’industrie progresse légèrement avec une hausse de 15 %, mais sur des volumes réduits. Le secteur tertiaire, moteur essentiel des constructions non résidentielles, apparaît particulièrement affaibli.
L’emploi dans la construction durement touché
Ce ralentissement se traduit directement sur l’emploi. En 2024, la Martinique compte 131 900 salariés, soit 900 de moins qu’en 2023. Le secteur de la construction est l’un des plus touchés avec une baisse de 3,8 % de ses effectifs, soit environ 250 postes supprimés.
Le recul est bien plus marqué qu’au niveau national, où la construction enregistre une baisse de 1,8 %. Cette divergence illustre une fragilité propre à l’île, où la dépendance aux investissements publics et aux grands projets rend l’activité plus sensible aux fluctuations conjoncturelles.

Autre indicateur révélateur, l’intérim, fortement utilisé dans le BTP, recule de 4,9 %. Cette baisse équivaut à environ 150 postes. Elle contraste avec les hausses de 2022 et 2023, où l’intérim avait servi de soupape pour absorber les variations d’activité.
Sa diminution confirme que les entreprises n’ont pas seulement réduit leurs embauches classiques, mais qu’elles ont aussi renoncé à ajuster leurs effectifs par des contrats courts.
La contraction de l’emploi n’épargne aucun grand secteur. Le tertiaire marchand perd 250 emplois et le tertiaire non marchand enregistre la même baisse, notamment en raison d’un effondrement dans l’enseignement. Mais le bâtiment reste l’un des secteurs les plus frappés, aux côtés de l’éducation.
Chômage en hausse, insertion en difficulté
Le marché du travail reflète ce repli. En 2024, le taux de chômage s’élève à 12 % de la population active, soit près de cinq points de plus que la moyenne nationale. Après deux années de baisse, la tendance s’inverse nettement.
Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à France Travail atteint 42 200 personnes, en hausse de 1 % sur un an. Parmi eux, 30 530 n’ont exercé aucune activité, ce qui correspond à une augmentation de 1,9 %. Les jeunes sont particulièrement touchés, avec une hausse de 3,4 % des demandeurs de moins de 25 ans. Les 25 à 49 ans progressent de 2,1 %, tandis que les plus de 50 ans reculent légèrement.
Cette détérioration intervient alors que les dispositifs d’aide à l’emploi se réduisent. Les Parcours emploi compétences chutent de près de 15 %, et les Contrats initiative emploi enregistrent un effondrement de 48 %. L’insertion par l’activité économique reste relativement stable avec un peu plus de 3 200 personnes accompagnées.
D’un autre côté, l’alternance et les emplois francs progressent, mais sur des volumes trop faibles pour inverser la tendance. En 2024, 2 200 contrats d’alternance ont été signés, soit une hausse de 2 %, et les emplois francs augmentent de 22 %, mais ne concernent que 65 embauches.
Le résultat est un cercle vicieux. Moins de chantiers entraîne moins d’emplois salariés et intérimaires, ce qui alimente la hausse du chômage, en particulier chez les jeunes. Dans le même temps, la réduction des dispositifs publics fragilise encore davantage les possibilités d’insertion professionnelle.
Source : Bilan économique 2024 / Insee Conjoncture Martinique N° 34 – Paru le : 26/06/2025