Près de 27 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté, soit environ 44 300 ménages. Chez eux, les prestations sociales représentent en moyenne 47 % des revenus, loin devant les revenus d’activité qui pèsent 21 %. Cette réalité illustre à la fois la fonction protectrice du modèle social et sa fragilité : plus d’un foyer sur deux dépend directement d’au moins une prestation.
Estimation du coût social global
Si l’on agrège l’ensemble des transferts et dispositifs sociaux, directs et indirects, le coût annuel pour la Martinique dépasse largement le seul montant des prestations CAF.
Les prestations versées par la CAF en 2024 représentaient environ 816 millions d’euros.
L’indemnisation chômage, incluant l’ARE et les allocations associées, peut être estimée entre 250 et 300 millions d’euros. La Complémentaire santé solidaire et les aides santé spécifiques pèsent environ 100 millions d’euros.
Le chèque énergie et les dispositifs compensatoires représentent environ 50 millions d’euros.
La surrémunération des fonctionnaires, qui concerne environ 35 000 agents publics avec une majoration moyenne estimée à 40 %, coûte près de 1,3 milliard d’euros. Enfin, les compensations liées aux tarifs spécifiques de l’électricité, du carburant ou encore de la continuité territoriale représentent entre 200 et 300 millions d’euros.
Au total, le soutien social et budgétaire en direction de la Martinique représenterait chaque année entre 2,8 et 3 milliards d’euros, soit l’équivalent de près de 60 % du produit intérieur brut (PIB) de l’île.
Vitalité et fragilité d’un modèle
Cette estimation révèle l’ampleur du rôle de l’État-providence en Martinique. Les transferts sociaux y sont massifs et indispensables pour limiter la pauvreté, soutenir la consommation et compenser le différentiel de coût de la vie avec l’Hexagone.
Mais cette dépendance illustre aussi la fragilité structurelle du modèle.
Une économie peu diversifiée, une base productive réduite et une démographie marquée par le vieillissement rendent l’équation budgétaire complexe. La question est donc posée : jusqu’où l’État peut-il continuer à financer un tel niveau de redistribution sans réformes structurelles et sans relance durable de l’emploi local ?
Faut-il croire que les Martiniquais eux-mêmes se complaisent dans cette situation et que le pouvoir central profite de cette situation délétère pour maintenir un statut quo géopolitique qui lui est favorable?
Gérard Dorwling-Carter