Fort-de-France, septembre 2025 – Depuis le 1ᵉʳ janvier, la Martinique vit au rythme des faits divers sanglants. Fusillades dans des quartiers populaires, règlements de comptes liés au trafic de stupéfiants, différends familiaux ou de voisinage : les homicides se succèdent à un rythme préoccupant. Selon les bilans publiés dans la presse locale et relayés par les autorités, l’île a déjà enregistré près de 25 homicides en neuf mois, un chiffre qui dépasse la moyenne des années précédentes et alimente un climat d’inquiétude dans la population.
Des chiffres en hausse
Les bilans intermédiaires dressés au fil de l’année révèlent une courbe ascendante : douze homicides comptabilisés en mars, seize en juin, vingt-trois début septembre. À la mi-septembre, la presse évoquait un 25ᵉ voire un 26ᵉ meurtre, souvent commis par arme à feu.
À ces drames s’ajoutent des tentatives d’homicide, plus difficiles à comptabiliser : la base nationale de la délinquance du ministère de l’Intérieur les enregistre désormais depuis 2025, mais les chiffres détaillés pour la Martinique n’ont pas encore été publiés. Les autorités judiciaires locales reconnaissent que les tentatives, notamment lors de fusillades qui font des blessés graves, sont en nette augmentation.
Une violence qui interroge
La répétition des homicides renvoie à plusieurs réalités. D’une part, la montée en puissance des trafics de cocaïne et de cannabis, la Martinique étant un point de transit vers l’Europe. D’autre part, une banalisation de l’usage des armes à feu, accessibles sur le marché clandestin. Enfin, des tensions sociales et économiques qui exacerbent les conflits interpersonnels.
« Nous ne parlons plus de faits isolés, mais d’un phénomène structurel », analyse un magistrat. « La répétition des affaires crée un climat d’insécurité et rend le travail judiciaire plus complexe, car il faut distinguer les logiques criminelles des règlements de comptes des drames familiaux. »
Les autorités sous pression
Face à cette escalade, les services de police et de gendarmerie ont renforcé leur présence dans certains secteurs sensibles, multipliant les opérations de contrôle. Le préfet a annoncé un renforcement de la coopération avec les douanes pour mieux cibler les flux d’armes et de stupéfiants. La justice locale, quant à elle, rappelle que le traitement de ces affaires est entravé par le manque de moyens humains et matériels.
La classe politique s’inquiète aussi. Plusieurs élus locaux appellent l’État à déployer des moyens exceptionnels, estimant que la situation martiniquaise rejoint désormais celle de la Guadeloupe ou de la Guyane, également confrontées à une criminalité violente en hausse.
Une société sous tension
Dans les quartiers touchés, les habitants expriment à la fois leur peur et leur lassitude. « On n’ose plus sortir le soir », confie une mère de famille du centre de Fort-de-France. « Les fusillades se passent parfois à quelques mètres des écoles. On se demande jusqu’où cela va aller. »
Les associations locales tentent de maintenir le lien social et de prévenir l’engrenage de la violence, mais elles peinent à compenser l’absence d’une politique de long terme sur l’éducation, la prévention et l’insertion des jeunes.
Et maintenant ?
L’année 2025 n’est pas terminée, et le bilan pourrait encore s’alourdir. Le ministère de l’Intérieur doit publier, d’ici la fin de l’année, des données consolidées sur les homicides et tentatives d’homicide en Martinique. En attendant, la succession des drames donne le sentiment d’une spirale difficile à enrayer.
Pour les familles endeuillées, pour les habitants confrontés au bruit des armes, une question demeure : comment sortir durablement de ce cycle de violence ?
Jean-Paul BLOIS