Comme nombre d’économies insulaires de la Caraïbe, la Martinique reste exposée aux turbulences de la conjoncture mondiale. Son modèle de développement, largement dépendant des importations et du tourisme, peine à se diversifier, malgré des ambitions affichées d’autonomie alimentaire et énergétique.
Une base productive étroite
La structure économique martiniquaise repose sur quelques piliers fragiles. Les exportations se concentrent sur deux produits traditionnels – banane et rhum – auxquels s’ajoutent quelques filières agroalimentaires.
Selon les estimations issues des données de l’IEDOM et du CEROM, la banane représente environ 120 à 150 millions d’euros de valeur annuelle, soit près de 1,5 % du PIB. Le rhum, porté par une filière d’exportation dynamique, pèse environ 90 à 100 millions d’euros, soit 1 % du PIB. L’ensemble des autres productions agroalimentaires (produits transformés, sucre, épices, produits de la mer) atteint environ 0,5 % du PIB. Au total, ces exportations agricoles et agroalimentaires contribuent à près de 3 % du PIB, un poids modeste au regard des besoins d’une économie insulaire fortement importatrice.
Le tourisme, quant à lui, représente 7 à 8 % du produit intérieur brut (PIB) direct. Si l’on inclut ses retombées indirectes et induites (commerce, artisanat, transport), sa contribution atteint 12 à 14 % du PIB, et environ 11 % de l’emploi salarié marchand. Cette dépendance rend l’économie locale particulièrement sensible aux crises sanitaires ou au ralentissement économique en Europe, principal marché émetteur de visiteurs.
Une petite économie ouverte et dépendante
La Martinique ne dispose pas de monnaie propre et ne peut agir sur les leviers monétaires. Ses équilibres reposent largement sur les transferts publics : salaires des fonctionnaires, retraites et prestations sociales représentent près de la moitié du PIB. Cette dépendance garantit une relative stabilité sociale, mais limite les marges de manœuvre en matière de développement endogène.
Les importations couvrent plus de 80 % des besoins de consommation, qu’il s’agisse d’alimentation, d’énergie ou de biens manufacturés. Cette dépendance structurelle alourdit la facture extérieure et accroît l’exposition aux crises mondiales, qu’elles soient sanitaires, climatiques ou géopolitiques.
Des plans de développement ambitieux
Consciente de ces fragilités, la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) a inscrit plusieurs objectifs stratégiques dans ses schémas et programmes : STDEII : compétitivité des filières locales, soutien aux PME, ouverture sur la Caraïbe.
Programme d’autonomie alimentaire : réduire de 20 % la dépendance aux importations agricoles d’ici 2030.
Programmation énergétique 2023-2030 : atteindre 60 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030.
SRADDET : mobilité, logement, adaptation au changement climatique.
Stratégie culturelle et créative : appui au cinéma, à la musique et au patrimoine, avec une perspective caribéenne.
Ces orientations, ambitieuses sur le papier, visent à réduire la vulnérabilité structurelle de l’île. Mais leur mise en œuvre se heurte à la lourdeur administrative, au manque de moyens financiers, et surtout à l’absence de pouvoir normatif propre pour adapter certaines réglementations.
Un défi politique et stratégique
La Martinique se trouve ainsi à la croisée des chemins : rester dépendante des transferts publics, du tourisme et de quelques filières agricoles traditionnelles, ou s’engager résolument dans une stratégie de diversification. Ses atouts existent – infrastructures, savoir-faire agricole, capital culturel – mais nécessitent une volonté politique affirmée, une coopération régionale renforcée et une évolution institutionnelle permettant de disposer d’outils adaptés.
– Poids des secteurs clés dans l’économie martiniquaise (PIB 2022, ~9,5 Mds €)
- Tourisme direct : 7–8 % du PIB
- Tourisme total (direct + indirect) : 12–14 % du PIB
- Banane : 1,5 % du PIB (~120–150 M€)
- Rhum : 1 % du PIB (~90–100 M€)
- Autres agroalimentaire : 0,5 % du PIB (~40–50 M€)
- Agriculture et agroalimentaire exportateurs (total) : ~3 % du PIB
- Transferts publics (salaires, retraites, prestations sociales) : près de 50 % du PIB
- Importations : plus de 80 % de la consommation locale
Gdc