Accuser le peuple martiniquais de pratiquer une « stratégie d’évitement », comme le fait Yves-Léopold Monthieux, c’est ignorer une histoire jalonnée de luttes. De l’abolition de 1848, précipitée par la révolte des esclaves, à l’insurrection du Sud en 1870, des grandes grèves de 1935 ou de 1974 aux mobilisations de 2009 contre la vie chère, la Martinique a toujours su se dresser contre l’injustice.
Si les choix institutionnels semblent parfois hésitants, il ne s’agit pas de fuite mais de prudence historique. Le référendum de 2010, qui rejeta l’article 74, traduisait la méfiance envers des promesses mal expliquées et une réforme perçue comme imposée.
Comme le rappelait Glissant, la méfiance est l’héritage des peuples colonisés, forgée par des siècles de trahisons.
L’immobilisme, quand il existe, est moins le fait du peuple que de ses élites politiques, incapables d’offrir une vision commune.
« Les peuples ne manquent pas d’énergie, ce sont leurs élites qui manquent d’audace », écrivait Patrick Chamoiseau.
La vraie stratégie martiniquaise n’est pas l’évitement mais la survie, inventée face aux contraintes : débrouillardise, solidarités, résistances invisibles.
Le peuple martiniquais n’esquive pas son destin. Il attend que ses responsables cessent de lui attribuer leurs propres renoncements et assument enfin, avec lui, l’audace de construire l’avenir.
Et puis, tout au long de son histoire, depuis son avènement dans la Calle du navire , jusqu’à ce jour il a tant supporté que l’on peut faire montre d’indulgence à son égard.
Gérard Dorwling-Carter