Présenté à la fin septembre, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 a provoqué une onde de choc dans les Outre-mer. Sous couvert de « rationalisation budgétaire », le texte prévoit plusieurs mesures qui réduiraient significativement les moyens alloués aux territoires ultramarins, remettant en cause les dispositifs de soutien économique et social mis en place depuis plusieurs décennies.
Ce budget est « un tournant dangereux » qui risque d’accentuer les fractures territoriales.
Un budget qui cible les dépenses fiscales ultramarines
Les dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer – qui incluent les exonérations de charges, la défiscalisation et les aides à l’investissement productif – seraient rabotées de près de 450 millions d’euros sur deux ans.
Il s’agirait de « mieux cibler les dispositifs et d’en limiter les effets d’aubaine ».
Les dispositifs visés sont notamment : la Loi Girardin industriel et logement social, dont la suppression progressive est actée pour 2027 ; la réduction d’impôt sur le revenu pour investissement outre-mer, revue à la baisse ; la niche fiscale pour le transport aérien et maritime, plafonnée à 30 millions d’euros par an ; et le crédit d’impôt pour l’innovation et la transition énergétique, qui serait fusionné avec un dispositif national moins favorable.
Un impact sur l’investissement et l’emploi
Selon la Fédération des entreprises d’Outre-mer (FEDOM), la suppression partielle des avantages fiscaux pourrait entraîner la perte de 6 000 à 8 000 emplois directs dans les Antilles et la Guyane d’ici 2027, en particulier dans les secteurs du bâtiment, du tourisme et des énergies renouvelables.
Le MEDEF Martinique et la Chambre de commerce et d’industrie des Îles de Guadeloupe ont demandé à l’État de maintenir un “socle de stabilité” pour éviter un effet de récession sur les investissements privés déjà fragilisés par l’inflation.
Les élus ultramarins vent debout
Les élus d’Outre-mer dénoncent un texte « inacceptable ».
Le député de Guadeloupe Olivier Serva a fustigé un budget « d’austérité déguisée », tandis que la sénatrice Catherine Conconne (Martinique) a pointé une « recentralisation rampante qui vide les Outre-mer de leurs leviers économiques ».
Même ton à la Collectivité territoriale de Martinique (CTM), où l’exécutif craint une réduction mécanique des dotations et une contraction de la mission Outre-mer, déjà passée sous la barre des 2,6 milliards d’euros.
Les effets attendus : croissance ralentie et tensions sociales
Les projections anticipent un ralentissement de la croissance dans les Antilles en 2026, autour de +0,8 %, contre +1,5 % en 2024, principalement en raison du recul de l’investissement public et privé.
Les effets sociaux pourraient aussi se faire sentir dans les collectivités les plus dépendantes de l’emploi aidé et du secteur public.
À Mayotte et en Guyane, la réduction des crédits de la mission Outre-mer menace directement la politique du logement social et le financement des services hospitaliers.
Un signal politique mal perçu
Alors qu’Emmanuel Macron avait promis une « nouvelle méthode de confiance » avec les territoires ultramarins, la présentation du PLF 2026 intervient à contre-temps.
Quelques jours seulement après le dîner à l’Élysée consacré aux réformes institutionnelles, ces annonces budgétaires sont perçues comme une trahison du discours présidentiel.
Des pistes d’amendements, mais peu d’espoir
Plusieurs députés ultramarins envisagent de déposer des amendements transpartisans pour rétablir une partie des crédits.
Le texte sera examiné en première lecture à l’Assemblée nationale fin octobre, avant son passage au Sénat.
En l’état, il apparaît comme le budget le plus restrictif pour l’Outre-mer depuis 2011, risquant d’étouffer des économies insulaires déjà à bout de souffle. »
Jesn-Paul Blois