– Ces scènes de personnes qui se rendent à l’aéroport pour insulter un responsable politique dont la justice n’a pas encore rendu de décision devraient nous interroger. Depuis quand a-t-on remplacé les tribunaux par la foule ? Depuis quand l’émotion immédiate vaut-elle jugement ?
À force de s’improviser juges, commentateurs, procureurs et foules vengeresses, nous oublions l’essentiel : la justice existe précisément pour éviter cela. Qu’on apprécie ou non une personnalité publique, rien ne justifie de la condamner avant même que les faits soient établis. Ce glissement vers le spectacle et la vindicte est un signal inquiétant pour la démocratie.
Pendant que certains organisent des scènes d’humiliation publique, notre pays croule sous des problèmes urgents : violence, éducation, coût de la vie, santé, environnement, emploi… Autant de combats essentiels qui demandent de l’énergie, de la réflexion et un minimum de sérieux. Comment peut-on prétendre faire avancer la société en transformant un tarmac d’aéroport en scène de règlement de comptes ?
Ce que nous avons vu l’an passé devrait nous servir de leçon : certains se posent en gardiens de la morale, mais utilisent en réalité ces moments pour peser sur les échéances électorales. L’indignation sélective devient une stratégie. Le vacarme remplace l’argument. Et, au final, ce sont les citoyens qui se retrouvent manipulés, pris en otage d’une mise en scène politique.
Nous pouvons débattre, nous pouvons critiquer, nous pouvons nous opposer : c’est la démocratie.
Mais devenir un tribunal, transformer chaque retour à l’aéroport en lynchage public, et laisser des donneurs de leçons dicter l’agenda du pays, ce n’est pas un progrès : c’est un recul.
Et bizarrement, pour les présumés tueurs, violeurs et même trafiquants, nous ne voyons jamais ces mêmes scènes.



