Alors que deux associations locales alertent sur l’état des canalisations et les risques de contamination, l’Agence régionale de santé assure que l’eau du robinet demeure conforme aux normes. Si le réseau est vétuste et les coupures fréquentes, les contrôles sanitaires révèlent une eau potable dans plus de 98 % des cas.
Un réseau fragile mais des contrôles serrés
Le constat est connu : le réseau de distribution est vétuste, son rendement ne dépasse pas 50 % et les fuites provoquent des coupures récurrentes. Mais, pour l’ARS, cela ne remet pas en cause la qualité de l’eau distribuée. « Plus de 98 % des analyses sont conformes », insiste Julien Thiria, directeur de la santé publique, évoquant près de mille prélèvements réalisés chaque année aux captages, dans les usines et jusqu’aux robinets. « Nous n’avons ni signal sanitaire ni épidémie liée à l’eau potable », ajoute Yves Servant, directeur de l’agence.
Dépôts et chlore, entre perceptions et réalités
Rouille et biofilms s’accumulent bien dans les tuyaux, mais selon les responsables sanitaires, ils ne contaminent pas l’eau. Le chlore, dont la présence est régulièrement critiquée par les usagers, joue ici un rôle central : « Il est indispensable pour garantir la sécurité », rappelle l’ARS, tout en conseillant de laisser reposer l’eau pour atténuer son goût. Les filtres domestiques, souvent présentés comme une solution, sont jugés inutiles, voire risqués s’ils ne sont pas entretenus.
Les sources naturelles, un faux refuge
Beaucoup de Martiniquais continuent de se tourner vers les sources, perçues comme plus « pures ». Une illusion, selon les autorités sanitaires : la moitié des 126 sources analysées sont contaminées, soit par des pesticides, dont le chlordécone, soit par des bactéries. L’usine de Vivé, qui alimente 15 % de la population, constitue un cas particulier. Elle est dotée depuis 2018 d’un traitement au charbon actif, seul capable d’éliminer les résidus de chlordécone encore présents dans la rivière Capot.
Restaurer la confiance
Depuis 2019, soixante campagnes de recherche n’ont relevé aucun dépassement de seuil en pesticides ou en métaux lourds. Mais la confiance, fragilisée par le traumatisme du chlordécone, demeure difficile à restaurer. « La confiance ne se décrète pas », reconnaît Yves Servant, qui plaide pour davantage de transparence et de dialogue avec les habitants.
Pour l’ARS, l’eau du robinet est donc sûre et surveillée. Mais l’institution souligne que la véritable urgence se situe ailleurs : la modernisation d’un réseau défaillant, dont les fuites représentent à la fois un gaspillage écologique et un poids économique pour le territoire.
Jean-Paul BLOIS