Avec le changement climatique, la montée des eaux est l’une des conséquences qui va toucher les communes du littoral martiniquais dans leur partie basse. Selon les services de l’État, il y aurait environ dix mille maisons et immeubles concernés (particuliers, entreprises et collectivités). Dans ce patrimoine bâti, on trouve des constructions précaires et des occupants sans titre qui devront faire l’objet de solidarité afin de permettre à ces habitants d’être relogés et régularisés.
Le Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ainsi que la Ministre de la Culture ont été interrogés sur les difficultés posées par le recul du trait de côte, notamment sur l’indemnisation liée à l’érosion côtière et sur la protection du patrimoine archéologique.
Indemnisation liée à l’érosion du trait de côte
En ce qui concerne l’indemnisation des propriétaires lésés par le recul du trait de côte, celle-ci est jugée inégale et incompréhensible. Selon que le bien soit menacé par une érosion rocheuse ou sableuse, ou que l’effondrement soit survenu à cause de la houle ou de l’infiltration des eaux, les propriétaires peuvent en effet être indemnisés ou abandonnés à leur sort.
La réponse ministérielle consiste à dire que seules les acquisitions par expropriation et à l’amiable de biens exposés à un risque naturel majeur menaçant gravement les vies humaines, ainsi que les mesures de sauvegarde et de protection des populations vis-à-vis de ce risque, sont prises en charge par le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM, dit « fonds Barnier »). Il en résulte que le FPRNM n’est pas mobilisable pour un bien uniquement exposé à l’érosion côtière, qui est un phénomène inéluctable, anticipable et qui ne revêt pas le caractère de risque naturel au sens donné par le Code de l’environnement. Un abattement sur la valeur du bien est pratiqué pour tenir compte de la durée limitée restant à courir avant sa disparition du fait de l’érosion, mais il n’y a pas d’abattement lié à la prise en compte du risque majeur.
Le texte de loi est clair : il va laisser sur le carreau tous les précaires.
Ce qui devra impérieusement nécessiter une intervention non négligeable de nos parlementaires afin de l’adapter à la réalité locale. Pourquoi, dans le plan national d’adaptation au changement climatique, ce volet ne figure-t-il pas ?
Nous avons constaté que la nature progresse inexorablement pendant qu’entre les climato-attentistes et les climatosceptiques, un débat perdure localement. Il y a urgence à se déterminer pour lancer les études sur la protection de la Baie de Fort-de-France, qui est le point stratégique de la Martinique.
Ne rien anticiper serait impardonnable.
Nous, PUMA, avons commencé à sonder différentes personnes pour avoir leur avis sur la fermeture de la baie par une digue avec une écluse pour le passage des bateaux. Notre base de réflexion s’articule sur le fait que nous n’avons pas suffisamment de recul, ni de temps pour réinstaller toutes les activités structurantes (aéroport, port, usine de production électrique et toutes les zones d’activités économiques). Concernant l’habitat des particuliers et les sociétés HLM, il y a une étude socio-économique à mener pour éviter cette catastrophe prévisible qui va inévitablement générer des réfugiés climatiques.
Concernant les autres communes du littoral, attendons-nous à ce qu’il soit impossible de prévoir des digues ou enrochements ! Ce qui imposera comme conséquence le recul vers l’intérieur des terres. Cette situation exigera un chantier titanesque qui devra prendre en compte incontestablement les réseaux routiers, électriques, téléphoniques, d’assainissement et d’eau potable.
Pour preuve, nous évoquons les victimes de Fond Saint Jacques à Sainte-Marie, qui sont toujours en attente de solution suite à la destruction de leur maison après la rupture de la canalisation de transport de l’eau en novembre 2020. Nous avons échangé avec différents élus et administratifs pour constater que nous dérangeons avec le sujet de l’élévation du niveau de la mer.
Visiblement, face à des situations ingérables, l’endormissement de certains donnera lieu à un brutal réveil général de la population. Sommes-nous prêts à relever ce défi que la nature nous lance ? Rassurez-vous, nous faisons confiance au réveil collectif qui se mettra en œuvre pour faire exécuter tout ce qu’il faut.
Au regard du coût des opérations et de l’absence de volonté politique, nous ne serions pas surpris de voir l’État abandonner purement et simplement certains biens voués à devenir des épaves, générant ainsi une nouvelle pollution.
Concernant les matériaux pour les enrochements, dont le volume sera considérable, ne faudrait-il pas envisager de les récupérer dans le sous-sol où il n’y a pas de problème de foncier ? Et pourquoi ne pas envisager une dorsale sous forme de tunnel pour contourner le réseau routier impacté par l’engloutissement sous les eaux ?
Ce sera un grand chamboulement dans l’aménagement de notre territoire, qui dispose d’un potentiel humain prêt à relever ce challenge et à écrire une nouvelle page environnementale,
Pour Une Martinique Autrement.
Note de la rédaction.
Ces options présentées comme solutions par PUMA, bien que intéressantes sur le plan théorique, doivent être considérées comme des hypothèses à étudier, soumises à des études d’impact environnemental, de coûts, et à une concertation avec les populations concernées. Elles ont l’émérite d’exister!
La Martinique, comme l’ensemble des littoraux ultramarins, est en première ligne du changement climatique. L’érosion côtière y est à la fois structurelle, inéluctable à long terme, et mal reconnue par le droit français actuel. Il devient urgent que les collectivités locales, l’État et les chercheurs co-construisent une stratégie territoriale de gestion du trait de côte, intégrant les spécificités insulaires, la vulnérabilité sociale des populations concernées, et une véritable volonté d’anticipation. Faute de quoi, le recul du rivage pourrait bientôt emporter bien plus que des habitations : un pan entier du patrimoine naturel et humain martiniquais.
Des communes particulièrement exposées
Selon les données croisées du BRGM, du Cerema et des plans de prévention des risques naturels (PPRN) Grand’Rivière : recul moyen du trait de côte estimé à 1,5 mètre par an dans certaines zones ; plusieurs maisons sont désormais directement menacées.
Case-Pilote : les quartiers littoraux montrent une forte vulnérabilité, notamment à cause du ruissellement et des fortes houles hivernales.
Le Carbet : la plage recule d’année en année, avec des impacts sur le tourisme et les activités de pêche.
Sainte-Marie / Basse-Pointe : phénomène aggravé par l’artificialisation des berges et l’intensité des pluies.
Schoelcher et Sainte-Luce : des opérations de rechargement en sable ont été menées en urgence après plusieurs tempêtes.
Au total, près d’une quinzaine de communes sont classées à “risque fort” ou “modéré” d’érosion côtière par le BRGM, avec plusieurs dizaines d’habitations recensées comme vulnérables à l’horizon 2050.
Quelles réponses publiques aujourd’hui ?
Le PAPI de Martinique
Le Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI), signé entre la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), l’État et les communes, intègre un volet “érosion marine”. Il vise à cartographier les zones à risque, financer des ouvrages de protection et former les élus à la culture du risque. Son volet opérationnel court jusqu’en 2026, avec des projets pilotes à Schoelcher, Le Robert et Le François.
L’Office de l’eau (ODE Martinique)
L’ODE travaille sur la restauration des zones humides littorales, qui jouent un rôle tampon contre la submersion. Des programmes de végétalisation des mangroves dégradées sont également en cours sur la côte Atlantique.
Le rôle de la DEAL et du BRGM
La Direction de l’environnement (DEAL) et le BRGM réalisent un suivi cartographique du trait de côte, avec des données actualisées tous les 5 ans. En 2022, une carte interactive des zones à risque a été publiée en open data.
Gdc