Face à l’effondrement du pouvoir central, la réforme statutaire martiniquaise s’impose comme une urgence démocratique et une chance de refonder la République depuis ses marges.
Une France à bout de souffle
La France vit une crise politique sans précédent. Jamais, sous la République comme sous la monarchie, l’exécutif n’avait paru aussi impuissant : incapable de faire voter une loi, de tenir un budget, ou même d’inspirer confiance. Dans un État hypercentralisé, où chaque service attend les consignes d’un ministère paralysé, c’est tout le pays qui vacille.
Le pouvoir présidentiel, conçu en 1958 pour garantir la stabilité, s’est transformé en mécanisme d’inertie. Ni autorité, ni vision, ni légitimité : la classe politique navigue à vue tandis que les alertes économiques se multiplient — dette au-delà de 3 000 milliards, déficit record, balance commerciale au plus bas. Jean Tirole, prix Nobel d’économie, l’a dit sans détour : « Nous déplaçons les transats pendant que le Titanic coule. »
L’impuissance de Paris ne doit pas bloquer les Outre-mer
Dans ce climat d’épuisement institutionnel, les Outre-mer peuvent redevenir des laboratoires d’action publique. La Martinique, en adoptant à l’unanimité lors du Congrès des élus du 8 octobre 2025 une résolution pour domicilier le pouvoir normatif local, a montré la voie : celle de la responsabilité.
Car attendre une impulsion de Paris serait illusoire. La réforme statutaire ne viendra pas “par le haut” : elle doit émerger “par le bas”, de la société martiniquaise elle-même.
Cela suppose de bâtir un consensus clair, d’impliquer les forces économiques et sociales, et de prouver, par l’expérimentation, qu’une norme adaptée au territoire peut être plus efficace qu’une norme uniforme.
Une République à repenser depuis ses territoires
Réformer localement, ce n’est pas rompre avec la République : c’est la sauver de son immobilisme. La différenciation n’est plus une menace, mais une méthode de survie . La Martinique ne demande pas une exception : elle revendique le droit d’être efficace , en inventant un modèle plus agile, plus responsable, plus démocratique.
Là où la France centralisée s’enlise, la République des territoires peut renaître. Encore faut-il que les élus locaux, les institutions et la société civile poursuivent ce dialogue historique ouvert en octobre 2025 : une discussion lucide, sereine et confiante sur la manière de gouverner autrement.
Les résolutions du Congrès des élus de Martinique (8 octobre 2025)
– Domiciliation du pouvoir normatif local : permettre à la Martinique d’adapter les lois nationales à ses réalités économiques, sociales et environnementales.
– Création d’un calendrier de transition institutionnelle : définir les étapes d’une évolution concertée du statut, dans le respect du cadre républicain.
– Saisine du CÉSECÉM et des citoyens : élaboration d’un document de travail partagé, en vue d’une consultation populaire.
– Coopération régionale renforcée : inscrire la Martinique dans l’espace caribéen tout en consolidant ses liens avec la République française et l’Union européenne.
Dans une France au bord du précipice, l’audace martiniquaise n’est pas une provocation : c’est une promesse. Celle de redonner à la République sa substance vivante — la capacité d’agir.
Gérard Dorwling-Carter