Les fondamentaux ne changent pas.
L’entreprise est toujours ce lieu mille fois étudié, où une personne ou une équipe réunit du capital, du travail, et de l’intelligence en vue de produire des biens et/ou des services, de les vendre sur un ou plusieurs marchés et, ce faisant, de rapporter à son ou ses propriétaires un profit.
L’entreprise publique, dont les capitaux appartiennent à une ou plusieurs entités publiques, c’est- à-dire aux contribuables, relève d’une logique particulière: les dirigeants n’y apportent pas leur capital, le marché est souvent captif, et le surplus, assez rare, ne fait que mesurer l’existence d’ un minimum d’efficacité. Le risque personnel pris par les dirigeants est pratiquement nul.
L’entreprise privée, elle, est au centre des économies à dominante libérale.
Le risque y est permanent. La tranquillité d’esprit y est rare, mais le bonheur de créer chaque jour est excitant.
Ses propriétaires sont des personnes privées, parfaitement connues.
Si elle est cotée en Bourse, ses comptes sont obligatoirement publiés; ils sont décortiqués par les banques, les autorités de contrôle et toutes les personnes qui sont intéressées par l’achat ou la vente d’actions ou d’obligations.
La motivation du gain maximum d’argent, sur des marchés soumis généralement à la concurrence, l’obligation de satisfaire les attentes des actionnaires, l’exigence de recherche permanente, d’innovation et d’investissements indispensables à la pérennité de l’entreprise, tout cela oblige les dirigeants à maximiser leur efficacité à tout moment.
DIRIGEANT D’ENTREPRISE, DENREE RARE
Créer et diriger une entreprise autre qu’uni-personnelle n’est pas à la portée de tous.
Les spécialistes internationaux de la gestion des grandes entreprises, tels Mac- Kinsey ou Korn- Ferry, estiment que la proportion de personnes capables de diriger des entreprises dépassant les 250 salariés n’atteint pas 20% de la population.
C’est dire que ces personnes étant rares, il est essentiel, pour tout pays qui a la chance de les avoir, de les détecter, de les accompagner et de les respecter.
La croissance économique, condition du progrès social, dépend largement d’elles.
L’effondrement des expériences collectivistes dans les années 1980, l’exode de millions de personnes vers les pays libéraux, l’apparition d’inégalités inouïes dans des pays tels que la Chine, sont venus confirmer que la liberté d’entreprendre reste le meilleur moteur de progrès pour le plus grand nombre.
Mais l’histoire n’a pas dit son dernier mot.
Ni ceux que Dame Nature a doté de qualités exceptionnelles, ni ceux que le hasard a fait naître dans des familles aisées, ne possèdent, de ces seuls faits, le droit d’écraser les autres.
Cette évidence s’impose dans le monde entier.
Elle débouche sur la double notion de salaire décent et de participation.
Comment comprendre que dans des entreprises ou des groupes d’entreprises réalisant chaque année des millions d’Euros de bénéfices, des employés soient payés 1500 Euros par mois après 25 ans d’ancienneté, sans aucune participation aux bénéfices qu’ils ont évidemment contribué à produire?
Les dirigeants de ces entreprises ont-ils tenté un jour de s’imaginer vivre avec 1500 € par mois?
Ont-ils aussi conscience de ce qu’ils pourraient gagner en termes d’argent et de climat social, dans l’entreprise et hors de l’entreprise, en mobilisant toutes les intelligences et les coeurs de leurs salariés grâce à la participation?
Nous savons que le système français de protection sociale, d’un générosité à nulle autre pareille, est principalement payé par les cotisations des entreprises et des salariés.
Ce système, en temps d’ouverture des frontières, est absurde; il est d’ailleurs en faillite, et a conduit le pays à un endettement ruineux, à l’origine de l’effondrement du service public.
ORGANISER LA PARTICIPATION DU PLUS GRAND NOMBRE.
Mais, une fois toutes les charges payées, une fois les bénéfices constatés, il est de la plus élémentaire morale de montrer aux salariés ce que leur travail et leurs talents, associés au travail et aux talents des dirigeants, a permis de produire; et de procéder à un partage différent des bénéfices.
Dans des entreprises telles que Michelin ou Leclerc, parmi des milliers d’autres, ces pratiques sont considérées comme basiques.
En Martinique, certains chefs d’entreprises, tels Christian Gallet de Saint-Aurin, ont constamment pratiqué la règle des trois tiers: 1/3 pour l’entreprise elle-même, 1/3 pour les propriétaires, 1/3 pour le personnel.
Les clients sont également concernés: comment ne pas saluer l’initiative vertueuse du groupe Carrefour consistant à accorder à ses clients une ristourne, même faible, sur leurs achats mensuels? Cette piste doit être élargie et généralisée.
Depuis des décennies, des entreprises martiniquaises prennent en charge l’amélioration de notre environnement, notamment des ronds—points, bien avant l’émergence du concept de responsabilité sociétale des entreprises. Elles doivent aller plus loin.
La crise que connait actuellement la Martinique est, pour l’essentiel le résultat de trois facteurs: un certain conservatisme du monde des entreprises, un certain immobilisme de nos principales collectivités, une certaine inadaptation de l’Etat aux problèmes créés par une mondialisation mal préparée, tant dans l’Hexagone que dans les « Vieilles Colonies ».
Ces trois facteurs ont ouvert la porte à un nouvel esclavage, le chômage de masse, et à des comportements de type criminel.
La crise, nous le savons, c’est le passé qui refuse de laisser place à l’avenir.
D’une approche nouvelle, globale et concertée des problèmes posés peut naître une Martinique nouvelle: plus forte, plus juste, plus belle, et, pourquoi pas, exemplaire.
Organiser techniquement ce travail global, attendu du monde de l’entreprise comme de tous, relève de la responsabilité, clairement prévue par les lois de décentralisation, de la Collectivité Territoriale de la Martinique, comme du Conseil Régional de la Guadeloupe.
La loi NOTRE, du 7 août 2015, dans son article L4251-13 à L4251-20, notamment, prescrit l’élaboration par ces collectivités d’un « schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ».
La balle est , et depuis longtemps, dans notre camp, et nulle part ailleurs.