René Maran (1887–1960) occupe une place singulière dans l’histoire littéraire française. Écrivain d’origine guyanaise et martiniquaise, il fut le premier auteur noir à recevoir le prix Goncourt, en 1921, pour son roman Batouala. À travers ses œuvres, il a ouvert un espace inédit pour la voix des colonisés dans la littérature francophone.
Officiellement né le 5 novembre 1887 à Fort-de-France, René Maran voit en réalité le jour en mer, lors du voyage de ses parents depuis la Guyane française, rejoignant la Martinique. Issu d’une famille guyanaise, il est envoyé en internat à Bordeaux, où il suit des études classiques.
Une carrière dans l’administration coloniale
En 1912, il intègre l’administration coloniale en Afrique équatoriale française (AEF), où il occupe divers postes pendant plus de dix ans. Témoin direct des abus et des dérives du système colonial, ses expériences africaines nourriront sa réflexion et sa littérature.
Batouala : le Goncourt de la rupture
En 1921, René Maran publie Batouala, roman nourri de six années d’observation et d’écriture. L’ouvrage, sous-titré « véritable roman nègre », dépeint la vie quotidienne d’un village africain sous domination coloniale.
La préface, audacieuse pour l’époque, dénonce les abus de la mission civilisatrice française. Sans remettre en cause l’intégralité du système colonial, elle en souligne les contradictions et les injustices. Cette lucidité lui vaut l’hostilité d’une partie de l’establishment colonial, mais aussi une reconnaissance littéraire inédite.
Le roman obtient le prix Goncourt, une première historique pour un auteur noir.
Une œuvre riche et diversifiée
René Maran ne s’arrête pas à Batouala. Sa plume explore d’autres genres : des romans animaliers et africains : Djouma, chien de brousse (1927), Le Livre de la brousse (1934), Bêtes de la brousse (1941), Mbala l’éléphant (1943), Bacouya, le cynocéphale (1953);
des essais, poésie, biographies : il célèbre explorateurs et figures coloniales, et publie en vers et en prose.
Reconnaissance institutionnelle : en 1953, l’Académie française lui décerne le prix d’Aumale pour l’ensemble de son œuvre.
Son héritage.
René Maran est aujourd’hui reconnu comme un précurseur de la négritude, bien qu’il ait gardé ses distances avec ce mouvement. Son écriture, ancrée dans la réalité coloniale, a influencé Léopold Sédar Senghor et d’autres auteurs francophones.
À l’occasion du centenaire de Batouala, la Bibliothèque nationale de France et plusieurs institutions ont organisé des événements pour redécouvrir son œuvre et sa pensée.
René Maran demeure une figure clé de la littérature francophone et postcoloniale, incarnant l’émergence d’une conscience noire dans la littérature française du XXᵉ siècle. Lire René Maran, c’est redécouvrir un écrivain à la fois héritier de la tradition classique et témoin lucide des fractures coloniales. Gdc



