Il faudra à terme solliciter le consentement du peuple martiniquais à une nouvelle étape institutionnelle, encore faut-il rétablir d’ici-là la confiance entre les élus et les citoyens. Qu’il soit acquis que l’efficacité publique ne dépend pas seulement des institutions, mais de celles et ceux qui les font vivre.
Un nouvel ordre politique ne se bâtit pas sur la défiance
Lorsque viendra le moment de demander au peuple martiniquais de se prononcer sur une évolution institutionnelle ouvrant la voie à de véritables pouvoirs normatifs, une évidence s’imposera : on ne bâtit pas un ordre politique nouveau sur un déficit de confiance. Avant d’en appeler au peuple, il faudra avoir restauré la crédibilité de la parole publique et la fiabilité de l’action de celles et ceux qui incarnent l’autorité politique. En l’état des choses la tâche sera difficile, mais indispensable.
Les limites institutionnelles ne suffisent pas à tout expliquer
Il serait trop commode — et profondément réducteur — d’imputer les lenteurs, les blocages ou les insuffisances de la politique martiniquaise aux seules contraintes du cadre institutionnel actuel. L’article 73 de la Constitution, la centralisation parisienne ou la complexité des normes n’expliquent pas, à eux seuls, les défaillances observées dans la gouvernance locale. Les rivalités de personnes, le manque de continuité dans l’action publique, ou encore l’absence d’une véritable culture de l’évaluation pèsent tout autant. L’institution ne peut pas tout : elle ne remplacera jamais la volonté, la compétence ni la cohérence – celles des élus comme celles du personnel administratif chargé de mettre en œuvre les politiques publiques.
L’autonomie exige responsabilité et exemplarité
Aucun changement statutaire, si ambitieux soit-il, ne portera ses fruits s’il ne s’accompagne d’une refondation morale et politique. L’autonomie n’a de sens que si elle s’exerce avec responsabilité ; le pouvoir normatif, que s’il s’appuie sur une confiance partagée entre élus et citoyens. Restaurer cette confiance suppose de rompre avec la culture du soupçon et de la division, de redonner lisibilité et continuité à l’action publique, et d’associer la population aux grandes décisions qui engagent l’avenir collectif.
Prouver avant de promettre
Il est légitime de revendiquer de nouveaux pouvoirs. Mais il est tout aussi essentiel de démontrer que ceux déjà confiés sont exercés avec rigueur, transparence et efficacité. C’est à cette condition — et à celle-là seulement — que la Martinique pourra prétendre, demain, gouverner pleinement son destin. C’est là la zone d’incertitude qui entoure encore le projet, pourtant vertueux, de changement institutionnel porté aujourd’hui par nos élus.
Gérard Dorwling-Carter