Polémique – Une déclaration tranchante de la députée écologiste ravive les tensions entre le monde agricole et certains courants de l’écologie politique.
Une phrase qui passe mal
« Je n’en ai rien à péter de la rentabilité agricole. » C’est la déclaration lâchée par Sandrine Rousseau, députée écologiste (NUPES), lors d’un débat public sur l’avenir de l’agriculture en France. Si elle entendait souligner l’urgence écologique et l’impératif de transformation des pratiques agricoles, la forme n’a pas manqué de choquer les principaux concernés.
Très rapidement, le monde agricole a réagi. La FNSEA, les Jeunes Agriculteurs, mais aussi des collectifs de producteurs en circuits courts ou en agriculture biologique ont dénoncé une « provocation méprisante », voire une « insulte à ceux qui nourrissent la France ».
Tollé dans les syndicats
« Comment peut-on prétendre transformer l’agriculture si l’on méprise à ce point ceux qui en vivent ? », a réagi Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. Du côté des Jeunes Agriculteurs, on déplore « une vision idéologique totalement déconnectée du terrain, où la rentabilité n’est pas un gros mot mais une condition de survie. »
Même dans les rangs écologistes, certains se distancient de la formule. Un élu EELV, sous couvert d’anonymat, reconnaît que « la forme dessert le fond. On ne peut pas revendiquer la bifurcation écologique tout en aliénant les agriculteurs. »
Une stratégie de rupture assumée
Sandrine Rousseau assume pleinement ses propos. Interrogée sur France Inter, elle précise : « Ce que je dis, c’est que si l’on continue à sacrifier les sols, la biodiversité et les paysans sur l’autel de la rentabilité, alors c’est l’agriculture elle-même qui disparaîtra. »
Pour l’élue, il s’agit de « sortir du modèle productiviste » et de « penser l’agriculture comme un bien commun, pas comme un marché ». Elle défend une vision agroécologique, locale, faiblement mécanisée, centrée sur la résilience plutôt que sur les rendements.
Une fracture révélatrice
Au-delà de la polémique, cette déclaration illustre le fossé grandissant entre une partie du mouvement écologiste radical et le monde agricole, y compris dans ses formes les plus durables. Nombre d’agriculteurs engagés dans la transition regrettent d’être pris en tenaille entre les injonctions écologiques et les réalités économiques.
« On nous demande de produire mieux, de réduire les intrants, de diversifier les cultures, mais tout ça a un coût. Et quand on parle de rentabilité, on nous jette la pierre », témoigne une agricultrice bio en Dordogne. « Sans viabilité économique, il n’y a pas d’écologie possible. »
Une question de méthode
Le débat relancé par cette formule choc pose une vraie question politique : comment concilier transition écologique et justice sociale dans le monde rural ? Entre le rejet des modèles industriels et le besoin de garantir des revenus décents aux agriculteurs, le chemin reste étroit.
La polémique autour de Sandrine Rousseau est donc peut-être, au-delà du clash médiatique, un révélateur. Celui d’un dialogue encore trop conflictuel entre écologie politique et agriculture de terrain.