Une photographie lucide, chiffrée et stratégique du tourisme sur la partie française de l’île
Alors que le tourisme constitue l’épine dorsale de l’économie de Saint-Martin, l’Institut Territorial de la Statistique et des Études Économiques (ITSEE) publie un bilan annuel 2024 aussi complet que révélateur. Ce document de référence, basé sur des données collectées sur l’ensemble de l’année, offre une vision structurée de la fréquentation touristique, du profil des clientèles, de l’évolution des hébergements, des enjeux d’emploi et de formation, ainsi que des mutations environnementales affectant le secteur.
À travers ce bilan, c’est toute la complexité d’un territoire insulaire à double gouvernance, exposé aux aléas climatiques et économiques, qui se dévoile. Mais surtout, c’est un territoire qui affirme, avec méthode et intelligence, sa volonté de structurer son offre touristique, d’enrichir la qualité de ses services et de renforcer la durabilité de son modèle économique.
Une fréquentation en hausse malgré les tensions internationales
Le trafic aérien au départ et à destination de l’aéroport de Grand Case affiche une hausse de +2% en 2024, atteignant 208 819 passagers. Côté maritime, l’activité bondit de +27% sur les liaisons avec Anguille et de +16% vers Saint-Barthélemy. Ces hausses s’inscrivent dans un contexte mondial instable, marqué par des tensions géopolitiques, une inflation persistante et un tourisme mondial de plus en plus sensible au rapport qualité-prix.
Le port de Galisbay, quant à lui, enregistre une baisse de 22% des escales de croisière en raison de conditions de houle défavorables, mettant en lumière la vulnérabilité du secteur maritime aux facteurs climatiques.
Des hébergements en transformation et une montée en puissance du tourisme alternatif
Si l’hôtellerie reste structurante, ce sont les meublés touristiques qui connaissent un véritable essor : +12% de logements disponibles par rapport à 2023, avec un taux d’occupation moyen de 54% et un recentrage sur des quartiers prisés comme la Baie Orientale ou les Terres-Basses. Les hôtels 4 et 5 étoiles représentent désormais 28% de l’offre mais les hébergements non classés, plus souples et souvent plus authentiques, séduisent davantage.
Autre fait marquant : la baisse du tarif journalier moyen pour une nuitée dans un meublé, passé de 478€ à 419€, traduisant à la fois une pression concurrentielle et une volonté d’attractivité.
Une clientèle fidèle, française et régionale, majoritairement salariée
Le profil type du touriste à Saint-Martin en 2024 ? Salarié entre 25 et 45 ans, venant de France hexagonale, de la Guadeloupe ou de la Martinique. Deux visiteurs sur trois sont déjà venus plusieurs fois, 77% restent entre 5 et 7 jours, et près d’un tiers sont attirés avant tout par les plages.
Cette fidélité représente un atout considérable, mais aussi un défi pour renouveler l’attractivité et aller chercher de nouveaux segments : clientèle nord-américaine, seniors pour longs séjours, ou jeunes couples urbains en quête d’authenticité.
Emploi, formation et transition : les défis structurels
L’emploi dans l’hébergement est jeune (39% ont moins de 35 ans), peu diplômé (45% sans diplôme ou seulement brevet) et fortement féminisé (55%). Mais les emplois sont en majorité en CDI, témoignant d’une certaine stabilité du secteur. Toutefois, le manque de formations adaptées est un frein important pour accompagner l’évolution des métiers, notamment dans la réception, l’entretien ou la gestion.
Autre mutation : la prise en compte croissante des enjeux environnementaux. Près de la moitié des hébergeurs se disent confrontés à des défis écologiques (gestion de l’eau, réduction des déchets, sensibilisation des clients), notamment dans les structures de moins de 10 salariés.
Des événements porteurs d’image et d’affluence
Le Festival de la Gastronomie, devenu un événement-phare de la destination, a attiré près de 10 000 visiteurs en 2024, en forte hausse par rapport à l’année précédente. Le SXM Festival, quant à lui, confirme son rayonnement régional et international, avec une clientèle largement nord-américaine (60%) et des retombées économiques significatives.
Une destination à affiner, un modèle à stabiliser
Le bilan de l’ITSEE est aussi une boussole. Il permet d’identifier les points forts — attractivité naturelle, fidélité des clientèles, dynamisme de l’hébergement alternatif — mais aussi les axes de progrès : qualité des routes, sécurité, transports publics, formation professionnelle.
À l’heure où la résilience touristique devient un enjeu global, Saint-Martin montre, à travers ce rapport, sa capacité à se doter d’outils de diagnostic performants, au service d’une stratégie territoriale plus juste, plus inclusive et mieux adaptée aux défis de demain.