Jeudi 18 décembre 2025, la gendarmerie de Martinique célébrait la Sainte-Geneviève, patronne des gendarmes. Après la messe organisée à l’église de Redoute, les autorités civiles, judiciaires et les forces de sécurité se sont retrouvées à la caserne Joseph France, pour un temps d’échanges plus direct, plus incarné. Nous y étions.
Au fil des rencontres, une même ligne s’est imposée : celle d’un engagement total face aux défis sécuritaires du territoire, mais aussi d’une volonté forte de préserver le lien avec la population.
Une cérémonie pour honorer, mais aussi pour rappeler le sens de la mission

Pour Yvan Carbonnelle, commandant la gendarmerie de Martinique, la Sainte-Geneviève dépasse le simple cadre symbolique. Elle rappelle ce qu’est, fondamentalement, la mission des gendarmes : protéger. Protéger le territoire, les institutions, mais surtout la population.
Chaque semaine, ce sont plusieurs milliers d’appels et des centaines d’interventions de police secours qui mobilisent les unités sur l’ensemble de l’île. À cela s’ajoute un travail de fond, moins visible, mais essentiel : la lutte contre les trafics. Stupéfiants, armes, contrebande, vols, trafics maritimes… autant de phénomènes qui, selon le général, gangrènent le tissu social martiniquais et alimentent violences et tensions. Face à cela, la gendarmerie agit à tous les niveaux, des « petites mains » aux têtes pensantes, avec un objectif clair : frapper là où cela fait le plus mal, au portefeuille.
Une œuvre locale pour incarner la tradition
La célébration de la Sainte-Geneviève s’est également appuyée sur une dimension artistique et patrimoniale forte, à travers la statue de la sainte patronne, réalisée par Louis Racine, sculpteur installé au Vauclin. Cette œuvre, conçue et façonnée en Martinique, donne un visage local à une tradition ancienne de la gendarmerie nationale. Par son travail, l’artiste inscrit la figure de Sainte-Geneviève dans le paysage martiniquais, en faisant dialoguer symbolique républicaine, spiritualité et création locale. Une manière, aussi, de rappeler que ces temps institutionnels s’ancrent dans un territoire vivant, porté par ses forces de sécurité autant que par ses créateurs.
L’État renforce ses moyens face aux enjeux martiniquais
Présent à la caserne, Philémon Perrot, directeur de cabinet du préfet de la Martinique, a rappelé que l’île concentre des enjeux spécifiques, au cœur des priorités nationales.
Les moyens ont été renforcés : augmentation du nombre de gendarmes, création d’une brigade dédiée à Saint-Pierre, fidélisation d’un second escadron de gendarmerie mobile, soit près de 80 militaires supplémentaires présents de manière pérenne. À cela s’ajoute une adaptation des manœuvres, notamment sur le trait de côte, avec la mise en place d’opérations de surveillance discrètes mais efficaces, et une coordination étroite entre gendarmerie, police, douanes, marine nationale et services de renseignement.
Sur le plan juridique, de nouveaux outils sont également mobilisés, issus de la récente loi contre le narcotrafic : interdictions de paraître sur les points de deal, fermetures administratives, lutte renforcée contre le blanchiment. Une réponse globale, pensée dans la durée.
Police et gendarmerie : une solidarité de terrain

À l’occasion de cette célébration, William Isot, commissaire divisionnaire et directeur territorial adjoint de la police nationale de Martinique, a tenu à souligner la proximité quotidienne entre policiers et gendarmes. Une véritable fraternité d’armes, nourrie par les mêmes contraintes et les mêmes exigences.
Il est revenu sur les épisodes de violences urbaines de ces dernières années, particulièrement éprouvants pour les forces de sécurité. Des périodes marquées par un engagement total, de nombreux blessés, mais aussi par une volonté constante de rétablir l’ordre public sans basculer dans l’affrontement aveugle. Malgré les difficultés, la mission a été tenue, au prix d’un investissement humain considérable.
Justice et sécurité : une action indissociable

La présence de Patrice Camberoux, procureur général près la cour d’appel de Fort-de-France, a rappelé combien l’action judiciaire est indissociable de celle des forces de l’ordre.
Homicides, tentatives d’homicides, violences intrafamiliales, délinquance du quotidien comme criminalité organisée : la gendarmerie est mobilisée sur tous les fronts. Le procureur général a insisté sur l’humanité dont font preuve les gendarmes, souvent dans des situations sociales très lourdes, mais aussi sur l’importance croissante de la lutte contre le blanchiment et la saisie des avoirs criminels. Pour 2026, cet axe sera central : neutraliser durablement les réseaux en s’attaquant à leurs ressources financières.
Derrière l’uniforme, des parcours et des engagements
La Sainte-Geneviève, c’est aussi l’occasion de donner la parole à celles et ceux qui font vivre l’institution au quotidien. Lucilia Bellemare, gendarme adjointe volontaire, récemment issue du milieu civil, a partagé son expérience. Accueillie, formée, accompagnée, elle découvre un univers exigeant mais ouvert, où l’on apprend sans cesse et où chacun, quel que soit son parcours, peut trouver sa place.

Même engagement chez Karen Ocarine, maréchale des logis-chef et trésorière militaire. Affectée au commandement de la gendarmerie de Martinique, elle souligne l’importance des fonctions de soutien, souvent invisibles, mais indispensables au fonctionnement des unités. Son message est clair : servir la gendarmerie est un honneur, mais aussi une responsabilité qui suppose respect, rigueur et sens du collectif.
Un lien à préserver avec la population
Au fil des échanges, un point fait consensus : sans la confiance de la population, aucune politique de sécurité ne peut être durable. La gendarmerie ne se résume pas à une force de répression. Elle se veut aussi une force de prévention, de dialogue et de proximité.
À Redoute, cette Sainte-Geneviève 2025 a ainsi pris une dimension particulière. Au-delà de la tradition, elle a donné à voir une institution mobilisée, consciente des difficultés, mais déterminée à agir, avec méthode, coordination et humanité, pour que la société martiniquaise continue à faire corps.
Roland Dorival & Philippe Pied




