À la veille de la venue du ministre Retailleau, le président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), Serge Letchimy, a une nouvelle fois alerté sur l’ampleur des trafics de drogues et d’armes qui affectent le territoire et, au-delà, l’ensemble du bassin caribéen. S’il reconnaît quelques avancées récentes de l’État — installation de radars maritimes, signature de conventions, annonces de renforcement —, il juge le dispositif « insuffisant et en décalage avec l’urgence locale ».
Des points d’entrée vulnérables et des contrôles insuffisants
La Martinique compte, selon lui, près de cinquante points d’entrée potentiels : ports de pêche, marinas, zones de débarquement informelles. Au port de Fort-de-France, seuls 1 000 conteneurs sont inspectés chaque année sur 188 000, soit moins de 1 %. « Nous ne pouvons pas faire semblant de sécuriser un territoire avec de tels chiffres », déplore-t-il.
À l’aéroport Aimé-Césaire, la promesse d’un « 100 % contrôle » reste largement théorique : les moyens humains et techniques ne permettent pas de fouiller tous les avions ni tous les passagers. Un nouveau système de scanners doit être déployé, mais le président de la CTM redoute des « annonces sans lendemain ».
Un appel à une stratégie intégrée
Pour Serge Letchimy, la réponse ne peut se réduire à la répression : « C’est une stratégie globale qu’il faut mettre en place, qui articule sécurité, économie, éducation et culture. » Il insiste sur le lien entre trafics et mal-développement : chômage des jeunes, économie informelle, déficit éducatif et perte de repères sociaux. « Tant que l’on n’agit pas sur la dignité et l’avenir de la jeunesse, on restera dans l’illusion du tout-sécuritaire. »
Une coordination régionale nécessaire
Le président de la CTM réclame l’organisation d’une réunion interministérielle, mais aussi la création d’une instance interrégionale associant la Guadeloupe, la Guyane et les pays voisins de la Caraïbe — Sainte-Lucie, Dominique, Trinidad-et-Tobago —, afin de mieux coordonner les efforts face aux routes de la cocaïne venues d’Amérique du Sud.
Un enjeu politique autant que sécuritaire
Derrière ce discours, se dessine une lecture politique : Serge Letchimy cherche à se positionner comme porte-voix régional, au-delà de la seule Martinique, tout en dénonçant la lenteur et la centralisation de Paris. Il entend faire de la CTM un acteur incontournable de toute solution future.
« La Martinique ne peut pas être un îlot isolé, livré aux flux criminels. C’est un enjeu de souveraineté, mais aussi de survie sociale et économique », a-t-il conclu.
Jean-Paul BLOIS