À l’occasion de la Transat Café L’Or 2025, Claude Féliot, secrétaire général du CODERUM, livre un regard clair et structuré sur l’évolution de l’événement, la place de la filière rhum dans cette manifestation, et les enjeux d’un secteur emblématique de la Martinique. Entre fierté territoriale, exigence de qualité et défis économiques, il revient sur une édition qu’il juge marquante.
Vous avez suivi de près les différentes éditions de la Transat Café L’Or. Quel regard portez-vous sur celle de 2025 ?
Au bout de cette troisième édition, je pense qu’on peut dire que nous sommes arrivés à une véritable maturité. La première édition, en 2021, a été un peu chaotique pour des raisons extérieures à l’événement lui-même. En 2023, nous avons réellement mené l’opération de bout en bout, et nous en avons tiré beaucoup d’enseignements. Aujourd’hui, on voit une nette amélioration dans la qualité de l’accueil, l’animation du village et la communication avec le public. Même sans chiffres précis, on sent une fréquentation bien plus importante. C’est une édition très satisfaisante, même s’il restera toujours des marges de progression.
Votre présence était très remarquée au Havre. En quoi l’approche est-elle différente en Martinique ?
Ce n’est pas le même public, ni le même objectif. Au Havre, le message est clair : « Venez en Martinique ». Ici, nous nous adressons avant tout aux Martiniquais. Bien sûr, nous accueillons les skippers, les navigateurs, l’organisation et toute la logistique, mais notre démarche est surtout d’aller à la rencontre de la population. Il s’agit de sortir de nos distilleries, de montrer ce que nous sommes en tant que filière, nos produits, nos méthodes de travail et notre vision pour la Martinique.
Pouvez-vous rappeler ce que représente aujourd’hui la filière rhum au sein du CODERUM ?
Le CODERUM regroupe neuf distilleries. Sept sont habilitées à produire du rhum agricole, avec ou sans revendication d’appellation selon le choix des producteurs. Deux autres structures produisent des rhums spécifiques, notamment le Galion et une habitation qui produit un rhum à indication géographique. Cela représente plus d’une quinzaine de marques, de Saint-James à Bally, en passant par JM, Clément, Neisson, La Favorite, HSE et d’autres. Toutes les distilleries de Martinique font partie du CODERUM.
Pourquoi le rhum est-il moins cher en Martinique qu’en Hexagone ?
C’est une situation historique qui remonte aux années 1920, au moment où la France se reconstruisait après la guerre. L’Hexagone a mis en place un système de contingentement pour limiter les exportations de rhum et protéger sa propre production d’alcool. En contrepartie de cette limitation, une fiscalité plus avantageuse a été accordée aux territoires de production. C’est ce mécanisme qui explique que le rhum soit moins cher en Martinique et que les visiteurs apprécient de repartir avec.
Peut-on dire que le rhum martiniquais est un produit d’exception ?
Oui, sans hésitation. Le rhum martiniquais a obtenu un label de reconnaissance dans les années 1970, puis l’AOC vingt ans plus tard. C’est une reconnaissance officielle du lien au terroir, du savoir-faire et du travail des hommes. Aujourd’hui, notre rhum est reconnu parmi les grands spiritueux, aux côtés du cognac et du whisky, grâce au travail rigoureux des producteurs.
Quels sont les principaux défis auxquels la filière fait face aujourd’hui ?
Il faut d’abord saluer le travail accompli depuis des décennies. Mais nous sommes confrontés, comme toutes les filières agricoles, aux effets du changement climatique, au durcissement des normes et à une concurrence parfois déloyale de produits importés qui ne respectent pas les mêmes standards sociaux et environnementaux. Nous ne contestons pas la loi, nous demandons simplement des règles du jeu équitables pour tous.
Quel message souhaitez-vous adresser aux Martiniquais à propos du rhum ?
Je leur dirais de mieux connaître cet univers. Pas seulement le spiritueux, mais tout ce qu’il représente : son histoire, son patrimoine, sa culture. La consommation locale ne représente qu’une petite partie de la production, et c’est une bonne chose. Nous voulons rester une terre de production, pas une terre de consommation. Mais pour être forts à l’extérieur, il faut être fiers et solides à l’intérieur. Le rhum est devenu un produit d’excellence, innovant, et c’est une véritable fierté pour la Martinique.
Propos et photo Roland Dorival, article Antilla




