D’ici juin 2026, les salariés français pourront savoir combien gagnent leurs collègues. En application d’une directive européenne adoptée en mai 2023, la France devra instaurer une transparence salariale accrue, destinée à réduire les inégalités, notamment entre femmes et hommes. Cette obligation marque une rupture dans un pays où la rémunération reste l’un des sujets les plus sensibles au sein des entreprises.
Des obligations nouvelles pour les employeurs
Les annonces de recrutement devront désormais indiquer le salaire proposé ou une fourchette de rémunération. Les employeurs n’auront plus le droit de demander aux candidats leurs salaires passés, une pratique jugée discriminante. Une fois en poste, les salariés pourront obtenir des informations sur les rémunérations moyennes appliquées à des fonctions comparables, ventilées selon le genre, ainsi que sur les critères d’évolution salariale.
Les entreprises de plus de 250 salariés seront tenues de publier chaque année un rapport détaillant les écarts de rémunération entre hommes et femmes. Celles de 100 à 250 salariés devront le faire tous les trois ans. En cas d’écart supérieur à 5 % non justifié, l’employeur devra procéder à une évaluation conjointe et mettre en place des mesures correctives.
Une mesure attendue mais contraignante
L’objectif affiché est clair : mettre fin à des inégalités persistantes, malgré les dispositifs existants comme l’« index égalité » instauré en 2019. Selon l’Insee, les femmes perçoivent encore en moyenne 15 % de moins que les hommes en France, à poste et temps de travail équivalents.
Mais cette réforme représente un défi considérable pour les entreprises. Celles-ci devront auditer leurs grilles salariales, former leurs responsables des ressources humaines et développer de nouveaux outils de suivi. Certaines redoutent par ailleurs une fragilisation de la cohésion interne, avec la possible multiplication de comparaisons et de tensions entre salariés.
Un changement culturel profond
La directive européenne, qui doit être transposée en droit français d’ici le 7 juin 2026, s’inscrit dans un mouvement plus large de transparence déjà à l’œuvre dans plusieurs pays nordiques. Elle pourrait transformer durablement la culture managériale française, longtemps marquée par la discrétion en matière de rémunération.
Reste à savoir comment les salariés s’approprieront ce nouveau droit et si les contrôles seront suffisamment stricts pour garantir une application effective. Une chose est sûre : la fin du secret salarial pourrait rebattre les cartes du dialogue social et redessiner les rapports de force dans l’entreprise.