Après plusieurs semaines de grève dans le centre de l’île, l’autorité organisatrice Martinique Transport a publié, samedi 14 septembre, un communiqué se voulant rassurant. L’établissement promet le versement de primes, la régularité des paiements aux entreprises délégataires et un renforcement ponctuel des lignes. Mais ces annonces minimales peinent à convaincre les usagers.
Des concessions présentées comme des avancées
Dans son texte, Martinique Transport insiste sur trois points : le règlement des primes 2023 et 2024, le paiement plus fluide des délégataires et l’ajout de bus sur certaines lignes « en cas de besoin avéré ».
Or ces mesures relèvent du respect d’obligations existantes. Les primes étaient attendues depuis plusieurs mois, tandis que l’amélioration des délais de paiement ne fait que corriger une faiblesse chronique du système. Quant aux bus supplémentaires, la formule employée reste vague, aucune indication sur leur nombre ou sur leur financement.
Les revendications sociales laissées de côté
Le communiqué passe sous silence les causes profondes de la grève : conditions de travail, rémunérations, sécurité des agents. Une omission qui nourrit la colère syndicale. « Les salariés n’ont pas cessé le travail pour seulementune prime, mais parce que leur quotidien est devenu intenable », souligne un représentant syndical.
En se concentrant sur les aspects techniques et financiers, l’autorité organisatrice élude la dimension humaine du conflit, pourtant au cœur des tensions sociales qui fragilisent le secteur depuis plusieurs années.
Un discours institutionnel en décalage avec la réalité
La promesse d’un « retour à la normale » tranche avec l’expérience vécue par les usagers. Depuis plusieurs semaines, Fort-de-France et Schoelcher connaissent des perturbations massives : retards, trajets annulés, absence d’information en temps réel.
« Je dois parfois attendre plus d’une heure sans savoir si le bus viendra. Ce n’est pas ce que j’appelle un service normal », témoigne une employée de bureau à Fort-de-France.
Une crise révélatrice des fragilités du réseau
Ce nouvel épisode met en lumière les difficultés structurelles du transport public martiniquais. Malgré des investissements importants dans le Bus à haut niveau de service (BHNS), le réseau reste marqué par une gouvernance éclatée, des tensions sociales récurrentes et un financement instable.
Le déficit chronique de Martinique Transport, et les arbitrages budgétaires de la Collectivité Territoriale de Martinique, limitent les marges de manœuvre. « On ne peut pas exiger un service moderne et fiable sans une stratégie claire de financement pérenne », résume un élu local.
Une confiance à reconstruire
En affichant un optimisme institutionnel, Martinique Transport cherche à rassurer. Mais la crédibilité de l’annonce dépendra de sa mise en œuvre rapide et visible. Pour les salariés comme pour les usagers, la confiance ne pourra être restaurée qu’à travers des actes concrets, une meilleure transparence financière et un véritable dialogue social.
À défaut, le « retour à la normale » risque de n’être qu’un répit provisoire, avant une nouvelle crise d’un réseau vital pour des dizaines de milliers de Martiniquais.
Jean-Paul BLOIS



