Des conditions indignes pour des travailleurs vulnérables
En 2023, dans la Marne, plusieurs dizaines de travailleurs immigrés, souvent sans papiers, ont été employés pour les vendanges dans des conditions qualifiées d’inhumaines. Logés dans des habitats insalubres, sans eau ni électricité, nourris de repas insuffisants voire avariés, ils devaient travailler de l’aube au soir. L’affaire a rapidement été surnommée les « vendanges de la honte », symbole d’une exploitation systémique des saisonniers les plus fragiles dans la filière viticole.
Le verdict du tribunal correctionnel
Le 21 juillet 2025, le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne a rendu un jugement qualifié d’exemplaire. La dirigeante de la société Anavim, qui fournissait cette main-d’œuvre, a été condamnée à quatre ans de prison dont deux fermes, assortis d’une amende de 20 000 €. Elle sera incarcérée à partir du 4 août. Deux complices chargés du recrutement ont également écopé de peines de prison : trois ans dont un ferme et une amende de 5 000 € pour l’un, deux ans dont un ferme et 3 000 € d’amende pour l’autre. Tous deux ont été interdits de séjour dans la Marne et de port d’arme pendant cinq ans. La société Anavim a par ailleurs été dissoute par décision judiciaire.
Le tribunal a aussi ordonné des indemnisations : 4 000 € pour chacun des plaignants, soit plus de 228 000 € au total, 2 000 € pour chacune des six associations parties civiles, et 6 000 € au Comité Champagne pour atteinte à l’image de l’appellation.
Une décision jugée encore incomplète
Si la CGT Champagne et plusieurs associations saluent le signal envoyé par la justice, elles jugent les sanctions insuffisantes. Les donneurs d’ordre, dont la coopérative Sarl Cerseuillat de la Gravelle qui avait recours à Anavim, n’ont écopé que d’une amende de 75 000 €, bien en deçà des 200 000 € requis par le parquet. Surtout, les travailleurs n’ont toujours pas perçu les salaires promis, fixés à 80 € par jour. Une procédure prud’homale est en cours pour obtenir leur paiement.
Les syndicats regrettent que la responsabilité des grands acteurs du Champagne n’ait pas été pleinement engagée, alors que le recours à une sous-traitance à haut risque est dénoncé depuis plusieurs années.
Une justice sociale encore à conquérir
Cette condamnation, inédite par sa sévérité en matière de traite d’êtres humains, marque un tournant judiciaire. Mais elle révèle aussi les fragilités structurelles du modèle économique des vendanges, où les pressions financières et la dépendance à une main-d’œuvre précaire ouvrent la voie à de graves abus.
L’affaire des « vendanges de la honte » rappelle que la lutte contre l’exploitation passe par une responsabilisation accrue des donneurs d’ordre, le versement effectif des salaires dus, et une réforme en profondeur des mécanismes de sous-traitance dans l’agriculture française.
Aussi que pour traiter ainsi des êtres humains ne relève pas seulement de la classique exploitation de l’homme par l’homme mais plus fort racisme qui imprègne de trop la société française.
Gérard Dorwling-Carter