Alors que le ministre des Outre-mer Frédéric Anson annonce vouloir s’attaquer aux situations de monopole et d’oligopole, la question de la vie chère en Martinique revient au cœur de l’agenda public. Loin des polémiques, il est temps d’ouvrir un débat rigoureux, fondé sur les réalités économiques et les attentes sociales
« La vie chère en Martinique, ce n’est pas un problème de marge ou de concurrence. »
Ces mots, prononcés récemment par Stéphane Hayot, directeur général du groupe GBH, leader de la distribution dans les Outre-mer, ont relancé un débat profond. Ce débat, nourri depuis plusieurs années par les mobilisations sociales, les enquêtes parlementaires et les inquiétudes citoyennes, prend une nouvelle tournure politique avec l’arrivée de Manuel Valls, au ministère des Outre-mer.
Le ministre a annoncé clairement son intention de s’attaquer aux situations de monopoles et d’oligopoles dans les économies ultramarines. Une déclaration forte, qui engage le gouvernement. Et de par son rang dans la hiérarchie de l’État, elle ne peut être interprétée comme une prise de position improvisée. Elle ouvre désormais un champ d’attente précis :
les Ultramarins veulent voir les dossiers, les études, les procédures et les analyses économiques concrètes permettant d’évaluer les effets de l’organisation actuelle de la grande distribution sur le pouvoir d’achat.
Comprendre la réalité de l’économie insulaire
Il faut, en parallèle, reconnaître la complexité du système économique martiniquais. Insularité, faiblesse du marché intérieur, coûts logistiques élevés, dépendance au fret maritime, contraintes réglementaires spécifiques : ces éléments influencent de manière structurelle les prix à la consommation. Ils ne relèvent ni d’un abus ni d’un dysfonctionnement en soi, mais de caractéristiques structurelles des territoires d’Outre-mer.
La performance économique de certains acteurs, comme GBH (+5,8 % de chiffre d’affaires en 2024), ne doit pas occulter cette réalité : maintenir un approvisionnement stable, diversifié, en contexte insulaire, demande une logistique maîtrisée et des marges de sécurité. Plusieurs enseignes coexistent, le marché n’est pas fermé, mais la perception de domination appelle à un dialogue transparent.
Une exigence de clarté, pas de stigmatisation
Ce que demandent aujourd’hui de nombreux citoyens et associations, ce n’est pas la désignation d’un bouc émissaire. C’est une meilleure compréhension des mécanismes de formation des prix, des marges réalisées, et du partage de la valeur. Cette transparence est la condition d’un débat apaisé, rationnel, et constructif.
Les efforts des entreprises en matière de formation, d’ancrage local, de soutien aux filières agricoles locales sont réels. Ils méritent d’être reconnus, mais aussi de s’inscrire dans une démarche de co-construction avec les pouvoirs publics et les consommateurs.
Vers un nouveau pacte économique local
Face à la vie chère, les réponses doivent être structurelles, plurielles et partagées :
- Soutenir les productions locales pour réduire la dépendance aux importations,
- Renforcer les circuits courts et les coopératives,
- Adapter les outils de concurrence et de régulation au contexte ultramarin,
- Encourager la transparence tarifaire tout au long de la chaîne de distribution.
Il est possible de bâtir ensemble un modèle plus équilibré. Il ne s’agit plus d’accuser ou de défendre, mais de construire — collectivement — un système économique plus transparent, plus souverain, et plus juste dans sa capacité à répondre aux besoins essentiels de la population. Ce chantier est à la fois économique, social et démocratique.
Gérard Dorwling-Carter