À la fin du mois de juillet 2025, le gouvernement a présenté un projet de loi contre la vie chère dans les Outre-mer. Un texte attendu depuis longtemps, alors que la question des prix élevés demeure l’une des préoccupations majeures dans les territoires ultramarins. Saisi pour avis, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) salue l’initiative, mais estime que le dispositif proposé reste trop limité face à une crise qualifiée de « systémique et multifactorielle ».
L’examen parlementaire de ce texte dépend désormais de l’issue du vote de confiance du 8 septembre 2025, sollicité par le Premier ministre François Bayrou, ce qui ajoute une dimension politique à un enjeu déjà socialement explosif.
Un constat alarmant : une cherté structurelle
Le CESE rappelle que la vie chère en Outre-mer résulte d’une somme de facteurs structurels :des surcoûts d’importation liés à l’éloignement géographique et à la dépendance aux importations ; une forte concentration des distributeurs, qui limite la concurrence ; des revenus moyens plus faibles que dans l’Hexagone ;net une production locale insuffisante, incapable de compenser l’essentiel des besoins.
Ces éléments combinés produisent une spirale inflationniste qui mine le pouvoir d’achat et entretient une fracture sociale profonde entre l’Hexagone et les Outre-mer.
Les propositions du CESE
1. Continuité territoriale et transports
Le gouvernement prévoit, dans son article 1, de réduire artificiellement le seuil de revente à perte en autorisant la déduction des frais de transport.
Pour le CESE, cette mesure risquerait de créer des distorsions de concurrence sans résoudre le problème de fond.
Il préconise plutôt une péréquation tarifaire du fret et demande la création d’un véritable droit à la continuité territoriale, inspiré du modèle corse, garantissant l’égalité des tarifs entre l’Hexagone et les Outre-mer.
2. Un Bouclier qualité-prix (BQP) renforcé
Le CESE soutient le principe du BQP, mais le juge trop restrictif en l’état. Il propose de : élargir la liste de produits concernés, en y intégrant non seulement l’alimentaire mais aussi l’hygiène, la santé et les télécommunications ; rendre les négociations plus inclusives, en associant non seulement les distributeurs et importateurs, mais aussi les producteurs locaux et même des citoyens tirés au sort, afin de mieux refléter les attentes de la population.
3. Transparence et concurrence
Pour casser les mécanismes inflationnistes, le CESE exige davantage de transparence dans les circuits économiques : obligation effective du dépôt des comptes annuels des entreprises de distribution, renforcement du contrôle des concentrations verticales, où un même groupe cumule les fonctions d’importateur, de grossiste et de distributeur, encadrement accru des pratiques commerciales trompeuses, avec rappel de l’interdiction des « marges arrière » instaurée en 2005, et mise en place d’un affichage du prix “triple net”, incluant toutes les remises, pour une meilleure lisibilité par le consommateur.
Un enjeu global : droit à l’égalité économique
Au-delà des mesures techniques, le CESE insiste sur la nécessité d’une refonte globale des circuits économiques et commerciaux dans les territoires ultramarins. L’objectif affiché est la reconnaissance d’un droit effectif à l’égalité économique et tarifaire pour les populations ultramarines.
En clair, il ne s’agit pas seulement d’« ajuster » les dispositifs existants, mais de garantir que les habitants des Outre-mer ne soient plus durablement pénalisés par un système qui alourdit leur quotidien et creuse les inégalités sociales.
Le projet de loi contre la vie chère constitue une première étape, mais jugée insuffisante par le CESE. En appelant à des mesures plus ambitieuses — continuité territoriale, BQP élargi, transparence renforcée — le Conseil met la pression sur le gouvernement et les parlementaires. L’enjeu est clair : passer d’une logique de correction ponctuelle à une véritable garantie d’égalité économique entre l’Hexagone et les Outre-mer.
Jean-Paul Blois



