Cet article a été rédigé à partir de l’enregistrement, disponible en fin d’article, de la TABLE RONDE organisée par la Délégation sénatoriale aux outre-mer sur le thème « Les distributeurs automobiles et le marché de l’occasion dans les territoires d’outre-mer ». Cette rencontre a réuni plusieurs acteurs majeurs du secteur automobile, notamment Cyril Comte (Président du Groupe Citadelle), Ludovic Erbeïa (Directeur de GBH Automobile), Bertrand Joyau (Directeur général de la Société Guadeloupéenne de Distribution Moderne – SGDM, filiale du groupe GBH) et Philippe-Alexandre Rebboah (Président du Syndicat de l’Importation et du Commerce de La Réunion – SICR). Plusieurs sénateurs ont également pris part aux échanges, parmi lesquels Viviane Artigalas, Jocelyne Guidez, Micheline Jacques, Victorin Lurel, Évelyne Perrot et Dominique Théophile.
L’automobile est un poste de dépense central pour les ménages ultramarins. Dans un contexte où les transports en commun restent insuffisants, posséder une voiture est souvent une nécessité. Cependant, entre le prix des véhicules neufs et d’occasion, les coûts d’entretien et de réparation, ainsi que le prix des carburants, l’impact financier est considérable. Ce sujet a été largement débattu lors de cette table ronde, mettant en lumière les difficultés spécifiques rencontrées dans les territoires ultramarins. Retour sur les principales conclusions de ces échanges.
Un marché spécifique avec des contraintes uniques
Le marché automobile en Outre-mer présente plusieurs particularités qui influencent directement les prix. Les concessionnaires locaux doivent faire face à des coûts d’importation élevés, à des normes antisismiques et anticycloniques qui renchérissent les infrastructures, ainsi qu’à un stockage prolongé des véhicules et des pièces détachées. Contrairement à la métropole, où l’approvisionnement peut se faire en flux tendu, les concessionnaires ultramarins doivent immobiliser d’importants stocks pendant plusieurs mois, ce qui représente un coût financier non négligeable.
À cela s’ajoute le fait que l’outre-mer est un marché plus restreint, où la concurrence joue différemment. Les grands groupes, tels que GBH ou Citadel, occupent une position dominante, ce qui leur permet de mutualiser certains coûts mais aussi de fixer leurs propres stratégies tarifaires.
Des prix plus élevés qu’en métropole
L’une des critiques récurrentes porte sur l’écart de prix entre les véhicules neufs vendus en Outre-mer et ceux disponibles en Hexagone. Selon les professionnels du secteur, cet écart oscille entre 10 % et 15 % pour les voitures grand public, mais il peut être plus important pour les modèles haut de gamme. À cela s’ajoute la taxation locale, notamment l’octroi de mer, qui renchérit le prix final des véhicules.
Concernant les véhicules d’occasion, le marché ultramarin est beaucoup plus limité que celui de la métropole. L’offre étant plus restreinte, les prix des voitures d’occasion restent élevés, ce qui complique l’accessibilité à la mobilité pour les ménages les plus modestes. En outre, les conditions climatiques spécifiques aux territoires ultramarins, notamment l’humidité et l’air salin, accélèrent l’usure des véhicules et réduisent leur longévité.
Le coût de l’entretien et des pièces détachées
Le prix des pièces détachées est un autre facteur aggravant de la vie chère dans le secteur automobile. Si certaines pièces sont vendues à des prix comparables à ceux de la métropole, d’autres affichent des écarts significatifs. Un problème qui s’explique par plusieurs éléments :
- L’éloignement et le coût du transport, notamment pour les pièces volumineuses ou spécifiques.
- Le stockage obligatoire des pièces en raison des délais d’acheminement.
- Les contraintes douanières et fiscales, notamment l’octroi de mer qui s’applique également aux pièces détachées.
Face à cela, de nombreux automobilistes ultramarins se tournent vers les plateformes en ligne pour commander directement leurs pièces en Hexagone, une pratique qui échappe à la fiscalité locale et accentue la concurrence avec les concessionnaires officiels.
L’impact de la transition énergétique
L’électrification du parc automobile est un enjeu majeur pour les années à venir, avec des réglementations européennes de plus en plus contraignantes. Pourtant, en Outre-mer, l’implantation des véhicules électriques reste un défi. L’absence d’un réseau de bornes de recharge adapté freine leur adoption, et les conditions climatiques spécifiques (chaleur, humidité) posent encore des questions sur leur durabilité.
De plus, le coût d’un véhicule électrique reste prohibitif pour une grande partie de la population. Les aides à l’achat sont moins accessibles et les infrastructures ne suivent pas toujours l’évolution de la demande. Le risque est donc que la transition vers l’électrique accentue encore les inégalités en matière d’accès à la mobilité.
Quelles solutions pour une meilleure accessibilité ?
Face à ces constats, plusieurs pistes sont envisagées pour améliorer l’accessibilité de l’automobile en Outre-mer :
- Réviser l’octroi de mer pour limiter son impact sur les prix des véhicules et des pièces détachées.
- Encourager le développement du marché de l’occasion en facilitant l’importation de véhicules d’occasion récents.
- Développer des filières locales de réparation et de recyclage, notamment pour les batteries des véhicules électriques.
- Accélérer la mise en place d’infrastructures pour les véhicules électriques afin de rendre leur adoption plus viable.
Les acteurs du secteur insistent également sur la nécessité d’un dialogue permanent avec les pouvoirs publics pour adapter la réglementation aux spécificités ultramarines.



