Les sapeurs-pompiers de Paris ont annoncé, mercredi, l’ouverture d’une enquête interne après la diffusion d’une vidéo montrant deux de leurs membres grimés en noir aux côtés de personnes déguisées en adeptes du Ku Klux Klan lors d’une soirée dans l’Aube. Une scène jugée « ignoble » et « glaçante » par la Fédération française de parachutisme (FFP), qui a saisi la justice.
Une mise en scène raciste sur un aérodrome
Les faits se sont déroulés samedi 18 octobre, sur l’aérodrome de Brienne-le-Château (Aube), à l’occasion d’une soirée à thème organisée par un club de parachutisme local. Selon la FFP, huit participants ont mis en scène une parodie macabre : cinq se sont déguisés en membres du Ku Klux Klan, brûlant des palettes et simulant l’étranglement de trois autres personnes grimées en “blackface” – c’est-à-dire le visage peint en noir.
Une vidéo de la scène, rapidement diffusée sur les réseaux sociaux, a été visionnée par le président de la Fédération, Yves-Marie Guillaud, qui a dénoncé « une mise en scène ignoble, blessante pour de nombreuses personnes, notamment issues de minorités ». « Ce n’est pas un simple dérapage festif : c’est une scène pensée, organisée et profondément choquante », a-t-il déclaré à l’AFP.
Signalement au procureur et plainte à venir
La FFP a adressé dès lundi un signalement au procureur de la République de Troyes et a annoncé le dépôt d’une plainte formelle jeudi, visant les huit participants ainsi que l’auteur de la vidéo. D’après ses informations, trois des personnes grimées en noir appartiendraient à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), une unité relevant du ministère des Armées.
« La scène, glaçante de réalisme, a été préparée à l’avance », précise la FFP dans un communiqué publié sur Facebook. « Ce n’est pas du tout un débordement alcoolisé », insiste l’organisation, qui dit vouloir défendre l’image du parachutisme français, « fondée sur la discipline, la mixité et le respect ».
Réaction des sapeurs-pompiers de Paris
Contactée par l’AFP, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris a confirmé l’ouverture d’une enquête interne. Celle-ci vise à « établir avec précision la nature des faits et les responsabilités ». Selon les premières vérifications, deux seuls protagonistes de la soirée seraient concernés ; ils étaient hors service au moment des faits.
« S’ils étaient confirmés, ces comportements feraient l’objet de mesures disciplinaires exemplaires », indique la BSPP. « Tout acte contraire à l’éthique militaire, aux valeurs républicaines ou au respect de la dignité humaine est strictement proscrit et ne saurait être toléré. »
Un lourd passif historique
Le « blackface » renvoie à une pratique née dans les “minstrel shows” du XIXe siècle aux États-Unis : des acteurs blancs se noircissaient le visage pour caricaturer et ridiculiser les Noirs. Quant au Ku Klux Klan, organisation suprémaciste blanche, il a semé la terreur dans le sud des États-Unis à partir de la fin du XIXe siècle, multipliant lynchages, intimidations et crimes racistes.
La reproduction de ces symboles dans un cadre festif, en 2025, a suscité l’indignation générale, notamment dans les milieux sportifs et militaires, qui soulignent la gravité symbolique d’un tel geste.
Silence du parquet et réactions locales
Le parquet de Troyes n’avait pas encore réagi mercredi soir. Le département de l’Aube, propriétaire de l’aérodrome de Brienne-le-Château, a annoncé « examiner l’ensemble des possibilités juridiques face à cette situation ». Le ministère des Armées, de son côté, n’a pas souhaité commenter avant la conclusion de l’enquête interne.
Pour plusieurs associations antiracistes, l’affaire illustre la persistance des stéréotypes coloniaux et raciaux dans certains milieux sociaux, et appelle à une réponse disciplinaire exemplaire et transparente.
Un nouvel épisode d’inquiétude institutionnelle
Après plusieurs polémiques liées à des comportements racistes au sein d’institutions publiques, cette affaire relance le débat sur la formation à la diversité dans les corps militaires et de secours. « Quand l’uniforme devient le masque d’une ignorance historique, c’est toute la République qui vacille », résume un syndicaliste de la BSPP sous couvert d’anonymat.
La conclusion de l’enquête interne et les suites judiciaires détermineront si cet épisode restera une faute isolée ou le symptôme d’un malaise plus profond au sein de certaines institutions.
Jean-Paul BLOIS



