À quelques jours de la présentation du projet de révision constitutionnelle sur l’autonomie de la Corse en Conseil des ministres, le gouvernement fait face à une double pression : celle de Gérard Larcher, président (LR) du Sénat, et de Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse.
Larcher alerte sur les risques d’un passage en force
Hostile au projet d’autonomie, Gérard Larcher s’est adressé hier au Premier ministre François Bayrou pour dénoncer l’intention supposée du gouvernement d’ignorer les réserves émises par le Conseil d’État. Il a insisté pour que le texte soit examiné en priorité par le Sénat, « chambre représentant les collectivités territoriales », et a mis en garde contre toute atteinte aux prérogatives parlementaires : « S’il s’avérait que l’avis du Conseil d’État était écarté, ce serait une atteinte grave au rôle du Parlement », a-t-il averti.
Trois points majeurs sont au cœur de ses inquiétudes :
– La notion de “communauté” corse, qui selon le Conseil d’État, n’a pas de fondement dans le bloc de constitutionnalité et contreviendrait au principe d’égalité entre citoyens.
– La référence au “lien singulier à la terre”, jugée juridiquement imprécise et potentiellement inapplicable.
— Le régime d’autonomie normative, qui devrait, selon l’avis du Conseil d’État, impérativement être encadré par une loi organique avec validation parlementaire.
Simeoni défend le texte issu du “processus de Beauvau”
De son côté, Gilles Simeoni a fermement réagi devant l’Assemblée de Corse en avertissant que toute remise en cause du texte validé en mars 2024 dans le cadre du “processus de Beauvau” conduirait à « des années d’incertitudes et de dangers ». Il appelle l’État à respecter l’accord politique conclu avec l’exécutif corse, affirmant que ce compromis représente une issue politique à un conflit de plusieurs décennies.
Le dirigeant autonomiste refuse toute modification du texte négocié avec Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur. Ce compromis ouvre selon lui la voie à trois avancées fondamentales : un statut d’officialité de la langue corse, un statut de résident, et une capacité législative effective pour la Collectivité de Corse. « Il n’est pas question de séparation avec la République, mais de reconnaissance des spécificités corses dans le cadre républicain », a-t-il rappelé.
Le contenu du compromis constitutionnel
Le projet de révision constitutionnelle, tel qu’issu des négociations, prévoit notamment :
– La reconnaissance d’un statut d’autonomie de la Corse au sein de la République, prenant en compte son insularité et ses spécificités historiques, linguistiques et culturelles.
– La possibilité pour la Collectivité de Corse d’adapter les lois et règlements aux réalités locales, ou de fixer des normes dans les domaines relevant de ses compétences, sous conditions fixées par une loi organique.
– Un encadrement strict par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel des normes adoptées localement.
– La possibilité de consultation référendaire des électeurs corses sur le nouveau statut, après avis de l’Assemblée de Corse.
Reste à savoir quelle version exacte le ministre de la Décentralisation, François Rebsamen, présentera en Conseil des ministres. Un vote conforme des deux chambres étant requis pour convoquer le Congrès à Versailles, où une majorité des 3/5e est nécessaire, les prochaines semaines seront décisives pour l’avenir institutionnel de l’île.